L’AFEAS a 50 ans

À Drummondville, le 23 septembre dernier, 450 femmes se réunissaient pour souligner le demi-siècle de leur association : l’Association féminine d’éducation et d’action sociale. Le sigle de cette importante association, AFEAS, a pu faire oublier la raison d’être de ce regroupement : éducation, action sociale.
En 1966, deux associations féminines plutôt traditionnelles, l’Union catholique des femmes rurales (1945) et les Cercles d’économie domestique (1952), procédaient à leur fusion. Commencé en 1963, le processus de fusion avait été abandonné par le Cercle des fermières (1915), invité d’abord à participer à l’opération. Les effectifs des deux groupes leur assurait alors plus de 35 000 membres, répartis dans toutes les régions du Québec, et rassemblés dans des centaines de cercles eux-mêmes réunis en fédérations régionales. Le nom avait été choisi après de longues discussions (une liste de plus de vingt noms se trouve dans les archives), mais on tenait à un sigle percutant, que tout le monde retiendrait rapidement : AFEAS, Association féminine d’éducation et d’action sociale.
Les aumôniers et les évêques ont bien tenté d’introduire le mot « catholique » dans leur nom. Mais les femmes tiennent à ce que leurs rapports avec l’Église et l’Action catholique soient libres. « La couleur prédominante doit être celle des femmes », affirmait Azilda Marchand, l’une des fondatrices.
La pratique de l’artisanat reste au coeur de ce regroupement, mais les objectifs d’éducation et d’action sociale prennent rapidement le dessus.
On présente en 1969 un mémoire à la commission Bird, exigeant la reconnaissance du travail invisible des femmes au foyer. On fait faire, en 1976, une étude sur les femmes collaboratrices, celles qui sont engagées à fond dans l’entreprise de leur mari, fermier, marchand ou professionnel, et sur la nécessité de les protéger dans une société où la majorité de la population est encore mariée sous le régime de la communauté de biens, laissant les femmes sans protection en cas de séparation. De cette démarche est née de l’Association des femmes collaboratrices, qui s’intéresse à la fiscalité, à la protection sociale, à l’équité économique grâce à la vigilance de la seconde présidente, Solange Fernet-Gervais.
Les membres de l’AFEAS suivent tous les débats féministes de chaque décennie, et appuient les revendications sur les garderies, la protection des travailleuses à temps partiel, la reconnaissance des acquis, le patrimoine familial, la santé des femmes, l’équité salariale, la situation des proches aidants et l’accès aux métiers non traditionnels.
Après la tragédie de Polytechnique, en 1989, elles organisent chaque année l’événement « Tendre la main » pour souligner ce triste anniversaire et lancer un appel aux hommes de s’engager dans la lutte contre la violence faite aux femmes. Bref, l’action sociale demeure au coeur de leurs activités.
Des formations
Mais en même temps, elles mettent sur pied des formations pour leurs membres : l’animation, l’administration, la prise de décision, le processus de résolution de problème, l’engagement politique (municipal, provincial, fédéral), et proposent des thèmes d’étude sur des dizaines de sujets, de la réforme scolaire à la santé. Elles préparent un dépliant pour inciter les femmes à se lancer en politique et les outiller. De plus, les femmes actives dans les cercles, les fédérations et le comité provincial apprennent l’art de parler en public, de défendre des opinions, de diriger des réunions, d’organiser des événements. Elles arrivent préparées, efficaces dans les assemblées de marguilliers, de commissions scolaires, de conseils municipaux, à l’Assemblée nationale. Jeanne Blackburn, présidente régionale, devient ministre de la Condition féminine. Lise Drouin-Paquette, présidente de 1983 à 1985, devient attachée politique de Monique Gagnon-Tremblay et ensuite conseillère municipale à Sherbrooke. Elle fonde, en 1993, Femmes et politique municipale en Estrie.
Des femmes remarquables se succèdent à la présidence de cette association qui, après bien des débats, adhère ouvertement au féminisme et continue de faire entendre la voix des femmes qu’on s’entête à qualifier d’« ordinaires ». On publie la revue Femmes d’ici depuis 1974.
Certes, le nombre de membres a diminué, tout comme celui des femmes qui restent au foyer. On compte en ce moment plus de 8000 membres et on procède à la fusion de quelques groupes locaux dans les endroits où on en trouve plusieurs. Mais le dernier congrès qui a célébré le demi-siècle a sans doute donné de l’énergie à toutes les participantes — grâce notamment à l’allocution d’Eva Ottawa, la nouvelle présidente du Conseil du statut de la femme.
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