Il faut aussi qu’on cesse de se diviser

La semaine dernière, Gabriel Nadeau-Dubois et Jean-Martin Aussant lançaient l’initiative politique non partisane nommée « Faut qu’on se parle », visant à consulter la population sur une dizaine de sujets d’intérêt public, dont l’économie, l’éducation, la santé et l’indépendance. Ayant consacré six ans de ma vie à des consultations populaires fort similaires dans le cadre de Génération d’idées et des Orphelins politiques pour ensuite avoir fait le choix de la politique active au sein du Parti québécois, j’aimerais saluer ce nouveau tremplin politique fondé sur la participation citoyenne. Mais j’aimerais aussi apporter un éclairage différent quant aux enjeux sur lesquels nous devrions consulter la population.
Au cours des dernières années, outre le mouvement Génération d’idées, plusieurs autres organismes politiques non partisans ont consulté la population sur l’avenir du Québec ; par exemple, l’Institut du Nouveau Monde, Force jeunesse, et Je vois Montréal, sans compter les consultations formelles de l’Assemblée nationale. À chaque fois, l’exercice s’est avéré riche en propositions. À ces démarches citoyennes, se sont ajoutées les nombreuses consultations menées par les partis politiques progressistes existants (Québec solidaire, Option nationale et le Parti Québécois), lesquelles ont généré de multiples idées et pistes de solutions qui auraient pu être très utiles pour le Québec.
Malheureusement, ces initiatives et leurs résultats enthousiasmants sont pour ainsi dire demeurés vains, se heurtant depuis 2003 à la fermeture d’un gouvernement libéral reporté au pouvoir de manière presque ininterrompue, et ce, en raison du phénomène de la division du vote. En ce qui me concerne, au terme des six années que j’ai consacrées à la consultation des jeunes de 20 à 35 ans, j’en suis malheureusement venu à cette conclusion évidente : on a beau générer les idées progressistes les plus brillantes du monde, si l’on se trouve face à un gouvernement qui ne croit pas à la participation citoyenne ni au progressisme, ces idées resteront lettre morte et nous nous retrouverons indéfiniment dans une impasse démocratique complète. Ce triste constat s’assombrit davantage encore si l’on y ajoute l’abolition des sphères de consultations citoyennes préexistantes et le poids qu’exerce actuellement la corruption sur notre société.
C’est pourquoi je souhaite sincèrement que le groupe « Faut qu’on se parle » consulte également la population sur LA question qui permettra de concrétiser les idées dont il accouchera, à savoir : comment pouvons-nous mettre fin à la division des forces progressistes et indépendantistes du Québec en prévision des élections de 2018 ?
L’un des membres du groupe, Jean-Martin Aussant, a fondé le parti Option nationale il y a quelques années. Gabriel Nadeau-Dubois a pour sa part certaines affinités idéologiques avec Québec solidaire. Ces deux formations ont généré plusieurs excellentes propositions au cours des dernières années et ont un pouvoir d’attraction non négligeable auprès de la population québécoise. S’ils souhaitent faire davantage qu’enrichir le catalogue des propositions pour l’avenir du Québec, les instigateurs de « Faut qu’on se parle » ne devraient-ils pas considérer engager un dialogue avec les membres de ces formations, de même qu’avec l’ensemble de la population, sur la manière dont nous pourrions regrouper les nombreuses idées déjà existantes ?
Leur projet de sillonner le Québec pour y tenir des assemblées de cuisine fait bien sûr écho à l’héritage de René Lévesque, que j’ai défendu tout au long de la campagne comme étant le socle du Parti québécois. Vouloir voyager à travers le Québec et rencontrer des gens qui croient encore à la politique est une démarche plus qu’admirable pour contrer le désengagement et le cynisme. Au terme de six ans de consultations de cette nature, j’ai conclu que ce ne sont pas les idées qui manquent au Québec. Toutefois, il faut aussi, absolument, s’atteler à travailler en équipe et faire converger toutes nos idées au sein d’un parti politique pour pouvoir espérer aboutir à un réel changement de cap pour le Québec. Je souhaite bonne chance aux artisans de ce nouveau projet, et j’espère sincèrement qu’ils en arriveront également à la conclusion que nous avons tout à gagner à unir nos forces.