Pourquoi j’appuie Jean-François Lisée

Jean-François Lisée s’est distancié de certains des aspects de la charte dans la foulée de la défaite de son parti en 2014.
Photo: Pedro Ruiz Le Devoir Jean-François Lisée s’est distancié de certains des aspects de la charte dans la foulée de la défaite de son parti en 2014.

Le fait pour Bernard Drainville d’avoir porté la charte des valeurs lui aura fait du tort. De là à conclure que l’on devrait rompre définitivement avec ce nationalisme préoccupé par les questions de l’histoire, de la mémoire et de l’identité, il n’y a qu’un pas que semblent s’empresser de vouloir franchir les candidats à la chefferie du Parti québécois dans l’espoir de rallier les plus jeunes qui seraient devenus indifférents à ce discours.

À ce jour, seul Jean-François Lisée s’est véritablement avancé sur ces questions. Quoi qu’il advienne de sa candidature, on lui saura gré de ne pas avoir liquidé cet aspect essentiel du nationalisme québécois. On peut ne pas partager la stratégie référendaire qu’il a proposée, mais la valeur de sa candidature ne se limite pas à cette seule question. Qu’un candidat soit capable dans le Québec d’aujourd’hui de prendre position au sujet du modèle d’intégration des nouveaux arrivants, de l’enseignement de l’éthique et de la culture religieuse ou encore des balises devant encadrer les accommodements raisonnables est digne de mention.

Lisée a fait connaître en juin dernier sa position au sujet du modèle d’intégration de la diversité sociale que devrait préconiser le Québec. Ce modèle, la « concordance culturelle », suppose que l’accueil des immigrants conjugue hospitalité et efforts d’intégration. La société d’accueil doit alors mettre en oeuvre un ensemble de moyens visant l’accueil des immigrants en vue d’un parcours d’intégration réussi (francisation, mesures facilitant l’emploi, etc.). L’immigrant est appelé de son côté à s’intégrer en faisant un pas vers la société d’accueil, en respectant ses valeurs les plus fondamentales, en apprenant et en utilisant la langue commune et, de manière générale, en reconnaissant qu’en faisant du Québec son nouveau pays, il s’inscrit dans une histoire en marche dans laquelle se sont formées une majorité, des valeurs inaliénables et une identité collective particulière.

Cours ECR : une position courageuse et raisonnable

La proposition de Lisée se distingue de la position vertueuse prônée par les tenants d’un interculturalisme incapable d’affirmer clairement la place prépondérante que devrait occuper la majorité dans le processus d’intégration des minorités issues de l’immigration. Lisée affirme ainsi que sa définition de la concordance culturelle « rompt avec la proposition voulant que le néo-Québécois et la société d’accueil aient à faire un effort équivalent l’un envers l’autre ». Cela signifie que, tout en respectant la richesse de la diversité, on « crée les conditions de la concordance, en direction du tronc commun bâti ici par l’histoire ». Il défend ainsi les attentes normales et légitimes de la société d’accueil désirant affirmer sa prééminence. Il est rassurant de constater la persistance dans cette position d’un certain bon sens politique en vertu duquel l’accueil de l’autre ne signifie pas l’abolition de soi.

De même, la position qu’a adoptée le député de Rosemont au sujet du cours éthique et culture religieuse (ECR) est courageuse et raisonnable. Lisée propose de modifier en profondeur ce cours destiné à initier les élèves du primaire et du secondaire à la diversité normative et religieuse. Son programme propose de recentrer cet enseignement autour des questions relatives à la démocratie et à la citoyenneté et de basculer dans la formation en histoire les questions touchant à la diversité religieuse. Il a raison de vouloir laisser plus de place à l’enseignement d’une éthique valorisant la démocratie et la participation citoyenne. Il a raison de resituer l’enseignement des grandes traditions religieuses « de façon objective et dans leur contexte historique » dans la formation en histoire.

Sur un autre plan, ses propositions concernant l’encadrement des accommodements raisonnables pourraient à mon sens être plus vigoureuses, mais elles vont dans la bonne direction en affirmant que les institutions publiques devraient afficher clairement leur « nette préférence » pour l’observance d’un « devoir de réserve » quant au port de signes ostentatoires. Encore ici, il faut souligner que, contrairement à ses adversaires dans cette course, Lisée continue de s’intéresser à ces questions difficiles.

L’identité : un enjeu essentiel du débat

Les enjeux liés à l’identité, l’histoire et la culture ne doivent pas être sous-estimés. Que recouvre en effet l’idée de « convergence culturelle » prônée par Lisée ? Elle désigne le droit légitime et respectable pour la majorité de prolonger une certaine conception de la vie en commun forgée dans une expérience historique particulière. Ce parcours historique est celui d’une collectivité dont l’aventure en Amérique a été profondément marquée par une mise en minorité politique qui est à l’origine du vieux nationalisme canadien-français et du sursaut indépendantiste des soixante dernières années, par l’omniprésence de l’Église qui appelle aujourd’hui un désir de laïcité, par l’expérience de l’inégalité sociale engendrant par effet de retour une soif d’égalité se traduisant notamment dans l’attachement des Québécois pour l’égalité des hommes et des femmes.

C’est en cela que la charte des valeurs mort-née était et demeure nécessaire. Plusieurs arguments ont été invoqués en sa faveur, de la liberté de croyance, à la nécessaire égalité hommes-femmes, en passant par le respect des valeurs civiques les plus fondamentales. Jean-François Lisée s’est distancié de certains des aspects de la charte dans la foulée de la défaite de son parti en 2014. Je ne crois pas cependant qu’il en ait renié le principe : la rencontre désencombrée de l’affirmation identitaire des uns et des autres afin que puisse se consolider une société unique au monde fondée sur l’expérience historique d’une majorité francophone ouverte et accueillante, éprise de laïcité, d’égalité et préoccupée par la reconnaissance de sa culture.

Ceux qui continuent de croire que le Québec d’aujourd’hui devrait défendre sans complexe le désir de la majorité francophone de voir la suite de l’histoire québécoise garder la mémoire de ce qu’elle a bâti tout au long de son parcours devraient appuyer la candidature de Jean-François Lisée à la chefferie du Parti québécois.

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