Descente du DPJ: luttons contre les préjugés envers les hassidim

L’existence d’écoles confessionnelles privées qui reflètent les croyances de plusieurs minorités religieuses est prévue par la Loi sur l’instruction publique.
Photo: François Pesant Le Devoir L’existence d’écoles confessionnelles privées qui reflètent les croyances de plusieurs minorités religieuses est prévue par la Loi sur l’instruction publique.

Le moment est venu de réfléchir posément à la situation des écoles hassidiques de Montréal. Cette démarche paraît d’autant plus importante qu’un certain nombre d’intervenants et de médias ont entrepris de traiter de la question avec insouciance, sans se faire un devoir professionnel et éthique de s’interroger sérieusement sur cet enjeu à partir de faits établis. Nous sommes arrivés à une étape où les préjugés les plus grossiers circulent au sujet des communautés hassidiques ; un phénomène qui, dans certains cas, prend la forme d’un acharnement. Qu’on le veuille ou non, la présence des hassidim ne cesse de s’affirmer dans l’espace montréalais, et il est temps d’examiner la question.

Pourquoi y a-t-il des écoles religieuses hassidiques dans notre ville ? Il s’agit d’un point de départ légitime pour en arriver à une meilleure compréhension du phénomène. Les parents des jeunes élèves qui fréquentent ces écoles estiment qu’il est essentiel de transmettre une éducation religieuse et culturelle à leurs enfants dans des établissements d’enseignement qui reflètent les valeurs du judaïsme ashkénaze est-européen de courant hassidique. Il existe d’ailleurs de nombreuses ressources pour se renseigner à ce sujet : publications, documentaires, etc.

Les choix et les croyances religieuses des parents hassidiques, de même que les opinions de leurs détracteurs, sont tous deux protégés par la Charte québécoise des droits et libertés

 

Dans ce cadre général, les hassidim suivent aussi les enseignements d’un certain nombre de maîtres qui ont tracé une voie exigeante sur le plan de la pratique religieuse. Le hassidisme postule que la présence de Dieu est immanente dans le monde. Ses membres expriment une dévotion qui s’inscrit au coeur de leur quotidien. Ils adhèrent aussi à des coutumes et à des habitudes qu’ils ont choisi de perpétuer afin d’assurer la transmission de leur tradition historique, dont l’émergence en Pologne et en Ukraine remonte au début du XIXe siècle.

Qu’enseigne-t-on dans les écoles religieuses hassidiques pour garçons ? D’abord, les moyens d’approfondir cette tradition en étudiant les textes fondateurs du judaïsme, dont le Pentateuque et le Talmud. Ce cursus scolaire vise à développer de solides qualités de raisonnement et de réflexion, selon une méthode pédagogique différente, on le sait, de celle qui caractérise les écoles québécoises. Bien entendu, le système d’éducation public ne peut offrir ce type d’enseignement religieux. Pour cette raison, les parents insistent afin que soit maintenue cette distinction entre les deux systèmes scolaires.

Les choix et les croyances religieuses des parents hassidiques, de même que les opinions de leurs détracteurs, sont tous deux protégés par la Charte québécoise des droits et libertés. À certaines conditions, l’existence d’écoles confessionnelles privées qui reflètent les croyances de plusieurs minorités religieuses est aussi prévue par la Loi sur l’instruction publique. Ces privilèges ont été mis en place il y a plusieurs décennies pour permettre à certaines communautés, dont les catholiques francophones, de se prévaloir du droit de dissidence sur les plans religieux et culturel. Ainsi, les Québécois ont suffisamment de sensibilité pour comprendre une telle situation dans leur propre contexte historique. À l’heure actuelle, les écoles hassidiques soulèvent quatre enjeux principaux qu’il convient de rappeler :

Les hassidim sont nos concitoyens. Ils partagent certains de nos quartiers et contribuent, à leur manière, à la vitalité des différentes communautés de base qui composent le tissu social montréalais. Dans la très grande majorité des cas, les tenants du judaïsme hassidique affichent un comportement respectueux en société ; ils obéissent aux lois et agissent dans un cadre légal reconnu. Certes, des tensions sont apparues à la suite de l’aménagement de certains lieux de prière. Dans l’ensemble, les irritants découlent de deux visions différentes de la sociabilité.

Les écoles hassidiques dont il est question ne sont ni clandestines ni illégales. L’utilisation répétée de ces termes constitue d’ailleurs une forme de dénigrement à peine déguisé. Ces écoles ont pignon sur rue et il est facile d’observer que des enfants les fréquentent régulièrement, à raison de plusieurs heures par jour. Comme les représentants de la DPJ ont pu le constater, la vie des jeunes n’y est pas menacée, ni leur développement affectif et intellectuel. Il reste un défi important : celui de régulariser ces institutions et de les arrimer aux instances officielles. Il s’agit d’un enjeu majeur que le programme de scolarisation à la maison peut contribuer à résoudre.

Cette solution (l’enseignement à la maison) mérite d’être valorisée. Son avantage consiste à relier ces communautés à une commission scolaire. Cela signifie que les intervenants du ministère de l’Éducation, moins en contact avec des parents hassidiques, devront aussi s’ouvrir à des pratiques pédagogiques et culturelles qu’ils ne connaissent pas ou peu. L’enjeu est de taille : on ne peut à la fois déplorer l’isolement des hassidim et condamner l’ensemble des initiatives visant à les rapprocher des administrations publiques.

La solution proposée par certains intervenants, à savoir la fermeture des écoles hassidiques, n’est absolument pas envisageable, car elle déroge aux principes de notre vie démocratique. L’idée d’abolir des écoles fondées par les minorités religieuses, ainsi que l’inscription obligatoire de leurs élèves dans le système public, constitue un déni à l’égard des droits fondamentaux de ces Québécois. Ceux qui réclament de telles mesures ne semblent pas réaliser que le fait de substituer la volonté des parents à celle d’un État — qui, ainsi, deviendrait tout puissant — ouvre la voie à des abus intolérables. D’ailleurs, ce genre de mesures rappelle les actions commises dans le cadre de certains régimes totalitaires encore vivement présents dans la mémoire. Ce sont là des souvenirs douloureux que la présence récente de policiers montréalais postés à l’entrée d’une école religieuse juive a ravivés.

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