Quel impact aura l’adhésion de l’Inde et du Pakistan à l’Organisation de coopération de Shanghai?
Les yeux de l’opinion publique mondiale sont tournés vers les résultats du référendum de Brexit ou les développements du Moyen-Orient. Cependant, un autre événement ayant le potentiel de modifier profondément la structure sécuritaire du continent asiatique s’est déroulé aussi la semaine dernière. L’adhésion de l’Inde et du Pakistan à l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), lors du sommet de Tachkent, en Ouzbékistan, les 23 et 24 juin, nous pousse à réfléchir sur les équilibres géopolitiques de l’Asie.
Ces deux pays, jusqu’ici observateurs au sein de cette organisation, avaient fait leur demande d’adhésion il y a une dizaine d’années. Les deux puissances majeures au sein de l’OCS, soit la Russie et la Chine, ont apparemment décidé que le temps de les accueillir est enfin venu.
L’origine de l’OCS remonte aux années 1990, quand la Russie, la Chine et quatre républiques ex-soviétiques de l’Asie centrale ont décidé de se rencontrer de façon informelle mais régulière afin de parler sur la coopération sécuritaire et économique. Avec l’accès au pouvoir de Vladimir Poutine en Russie en 1999, les choses se sont accélérées, et l’OCS a officiellement vu le jour en 2001.
Cet élargissement est probablement la décision la plus importante que l’OCS a prise depuis. Toutes les puissances nucléaires du continent asiatique (à l’exception de la Corée du Nord) sont désormais réunies au sein d’une même organisation de sécurité.
Contrebalancer l’OTAN
Il y en a qui disent que l’Organisation de coopération de Shanghai est l’OTAN asiatique. Bien sûr, cette organisation n’est pas encore comparable à l’Alliance atlantique. La Chine ou la Russie n’ont jamais parlé d’une éventuelle intention de transformer l’OCS en une alliance militaire à proprement parler. Pourtant, Moscou et Pékin insinuent de temps à autre que l’OCS a le potentiel de contrebalancer l’OTAN, si ses membres décidaient de le faire.
L’OCS a jusqu’à maintenant donné l’impression d’une organisation bicéphale, la Russie insistant sur l’aspect sécuritaire, et la Chine sur le potentiel économique. Avec l’adhésion de deux puissances asiatiques supplémentaires, l’OCS peut devenir encore plus compliquée à gérer. En fait, la Chine a longtemps refusé de laisser entrer l’Inde dans l’OCS ; mais finalement c’est la Russie qui a eu gain de cause, dans l’espoir de réduire l’influence chinoise au sein de l’organisation. En échange, la Chine a obtenu l’adhésion simultanée du Pakistan, pays avec lequel Pékin entretient des relations traditionnellement proches.
Il est connu que l’Inde et le Pakistan ont des relations compliquées, marquées par des guerres successives et la question de Cachemire qui reste à ce jour non réglée. Il est difficile de prévoir si leur accession à l’OCS leur offrira une occasion de se rapprocher, ou bien si cela va simplement transformer l’OCS en une organisation complètement ingérable, dépourvue de tout objectif commun.
Il est également difficile de dire comment l’Inde va pouvoir concilier son adhésion au sein de l’OCS avec sa politique de rapprochement sécuritaire avec les États-Unis. En plus, l’Inde s’est montrée toujours inquiète de l’expansion du « collier de perles » chinois, c’est-à-dire du réseau de bases navales de la Chine sur les rives de l’océan Indien. Une entente en matière sécuritaire entre New Delhi et Pékin reste donc assez difficile à obtenir.
Cependant, les membres de l’OCS n’auront pas trop de difficultés à trouver un ennemi commun, malgré leurs divergences : le terrorisme islamiste. Cette menace occupe une place importante dans les discours politiques de ces pays et peut offrir un terrain de coopération, en renforçant la cohésion interne de l’OCS.