Pierre Karl Péladeau, homme de convictions

Pierre Karl Péladeau laisse le Parti québécois en bonne posture, estime Louis Germain.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Pierre Karl Péladeau laisse le Parti québécois en bonne posture, estime Louis Germain.

Chaque fois que je vois la vidéo, l’émotion m’étreint. Ce Pierre Karl, que j’ai toujours vu optimiste, déterminé, vif, précis, enjoué souvent, fringant, le voilà éteint, le visage crispé, le regard triste. Puis il parle, visiblement au prix d’efforts considérables. Bouleversé. Bouleversant.

Je l’ai rencontré pour la première fois en novembre 2014. Il m’avait reçu chez lui, à Outremont, dans son solarium en semi-désordre de salle familiale. Il m’avait écouté, me regardant droit dans les yeux. À la fin de l’entretien, il m’avait donné son numéro de cellulaire et son adresse courriel. Nous nous étions jaugés. Puis il a gagné sa course à la chefferie.

Peu de temps après, lors d’une rencontre dans son bureau, je lui ai dit : « Une de tes forces, c’est de ne pas encore être pollué par la politique, par le parti politique. Conserve ça. » Parce que Pierre Karl Péladeau parlait franc. Il n’avait pas la langue de bois. Il disait ce qu’il pensait devoir être dit, sans penser à toutes les entraves et aux autres bâillons conventionnels de la politique. Il a dit la simple vérité quand il a laissé entendre que les frontières seraient un sujet de discussion légitime lors d’éventuels pourparlers avec les autochtones. On lui est tombé dessus…

Et après ça, on parle de faire la politique autrement ? Lui arrivait avec la bonne attitude. Ces derniers temps, je me demandais s’il n’avait pas commencé à être pollué par la politique. Les uns disaient que c’était le métier qui entrait. Oui, le métier entrait, mais peut-être aussi, avec lui, la politique politicienne ; la politique de coin de patinoire, de mise en échec, la politique que les médias et les partis politiques croient inévitable, mais qui éloigne les électeurs des urnes.

PKP agissait « autrement » au début. Avait-il commencé à fléchir ? Serait-il demeuré en poste que je l’aurais exhorté à se cramponner à son franc-parler. Je crois qu’il aurait réussi, car ce qu’il voulait le plus au monde, c’est d’y inscrire un nouveau pays, le Québec. Et ça, ça ne peut se faire sans que les gens aient confiance en leurs politiciens. Des politiciens qui ne sont pas toujours dans la manoeuvre langagière, des politiciens qui parlent vrai. On vient d’en perdre un.

Étiquette injuste

 

Un jour, dehors à côté du Parlement, nous avons passé une demi-heure ensemble, pendant qu’il grillait trois cigarettes en rafale. À brûle-pourpoint, il s’était lancé dans un exposé sur les politiques sociales et la solidarité. Il était simplement sincère. J’ai acquis alors la conviction qu’il n’était pas l’agent de la droite que la majorité des gens tiennent pour acquis, sur la seule foi de quelques lockouts ressassés hors contexte. Quelques lockouts font-ils d’un patron un ennemi des travailleurs ? Quelques grèves font-elles d’un syndicat un ennemi du patronat ? Si PKP était demeuré à la tête du PQ, il aurait été essentiel, et facile, de démontrer que cette étiquette de « roi du lockout » était non fondée, outrancière et injuste. Pierre Karl Péladeau était authentiquement à l’aise dans un parti social-démocrate. Pierre Karl a laissé un Parti québécois en bien meilleur état qu’il était à son arrivée.

Désormais, au PQ, l’axe est clair. Le plan, c’est de préparer le pays et de le concrétiser. Point. Plus question de prendre le pouvoir pour ensuite commencer à parler d’indépendance. Non, on parle d’indépendance pour prendre le pouvoir. On va gagner les élections en proposant un pays. Pas en proposant un référendum.

PKP n’a jamais voulu s’engager à préciser le moment du référendum. Il considérait que le référendum n’était que le point final d’une longue démarche et que ce qu’il fallait promettre, c’est la démarche, sans qu’on puisse vraiment prévoir sa durée. Trois ans ? Six ans ? Pierre Karl Péladeau laisse le Parti québécois en bonne posture. Il lui a donné un plan d’action, clair, qui a enthousiasmé les militants, plan qui va continuer d’être mis en oeuvre malgré son départ. Il lui a donné un excellent directeur général, à l’écoute des gens, axé sur les résultats et qui ne s’embarrasse pas des commérages et des vagues à l’âme.

Mais surtout, il a revigoré un parti dont tous les membres sont maintenant fiers parce qu’ils le sentent et le savent libéré des atermoiements quant au projet d’indépendance, animé par l’enthousiasme de construire un pays. Les médias et, par conséquent, la population en général n’ont pas pris la mesure de cet élan et de l’unité réelle au sein du parti, mais pour tous les membres, c’est tout simplement vécu.

Le départ de Pierre Karl Péladeau ne fera pas vaciller la flamme qu’il a allumée. Il est arrivé mû par ses convictions. Il part pour les mêmes raisons qu’il est venu. Pour faire ce qu’il sent qu’il doit faire. Par conviction. Chapeau ! Merci Pierre Karl, de ton court mais efficace passage à la direction du parti.

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