Le calendrier de l’Avent des médecins

Depuis la fin de 2014, le « médecin bashing », ou le dénigrement collectif des médecins, est à la mode. Curieusement, c’est toujours en décembre que le mouvement bat son plein. Un merveilleux calendrier de l’Avent pour les médecins qui se demandent presqu’à chaque jour quel nouvel article, lettre d’opinion ou autre publication dans les médias viendra leur faire grincer des dents, avec comme sujet de prédilection leur rémunération.

Pourtant la rémunération des médecins, malgré qu’elle comporte son lot d’imperfections, n’est selon nous qu’un symptôme d’une grave pathologie dans le processus de prise de décision au sein du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

Il y a deux influences majeures qui ont contribué à bâtir le système de santé du Québec dans les dernières décennies : d’abord, les politiques de santé de la population visant l’organisation du système de santé et le déploiement de programmes de santé pour la population, et puis, les relations entre le ministère et les fédérations médicales.

Convergentes?

 

Ces deux influences sont-elles convergentes ? Rien n’est moins sûr.

D’un côté, on a historiquement investi dans plusieurs commissions (Castonguay-Nepveu, Rochon, Clair…) pour tenter de comprendre quel genre de système de santé servirait le mieux la population. De là ont découlé plusieurs réformes du système ; les centres locaux de services communautaires (CLSC) ont vu le jour, puis les groupes de médecine de famille (GMF), les centres de santé et services sociaux (CSSS) et finalement les centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) — cette fois, secondairement à aucune commission ou consultation publique, mais bon…. Bref, on essaie tant bien que mal de définir les besoins de la population et de trouver un mode de fonctionnement du système qui peut mieux répondre à ces besoins.

D’un autre côté, les relations entre le MSSS et les fédérations médicales semblent avoir lieu dans un autre monde. Un monde où l’on ne parle pas tellement de système de santé et de population, mais davantage d’autonomie professionnelle, d’indépendance des médecins par rapport au reste du réseau et de mode de rémunération. Dernièrement, les thèmes à la mode dans ce monde étaient la productivité et le nombre de patients inscrits auprès d’un médecin de famille (clin d’oeil au projet de loi 20).

Dans ces négociations entre le MSSS et les fédérations, il y a deux lobbies. Le gouvernement tient à respecter son budget et en veut pour son argent, et les syndicats des médecins, eux, font très bien leur travail, c’est-à-dire défendre les intérêts financiers et les conditions de travail de leurs membres. La santé de la population devrait être l’objectif ultime de ces négociations, mais où est-elle, la population ?

Elle tente de faire entendre sa voix dans un débat dans lequel elle est forcée de rester assise sur le banc des joueurs. Le lobby pour la santé de la population est inexistant. Nous avons besoin de ce troisième joueur au banc des négociations pour exiger la convergence des influences qui bâtissent notre système de santé.

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