Médecins debout! Vous n’êtes pas des divas!

Gaétan Barrette et Philippe Couillard tiennent en très haute estime les médecins, surtout les médecins spécialistes. Pour eux, ce sont des divas, de sorte qu’ils n’ont pas de prix ! Pourtant, tous les médecins que je connais ne se prennent pas pour des divas, et même, ils s’estiment encore privilégiés d’exercer ce beau métier. Privilégiés d’avoir été admis en médecine, alors que d’autres, aussi bons qu’eux, ne l’ont pas été. Privilégiés d’avoir fait des études passionnantes. Privilégiés d’avoir fait leur formation clinique en milieu réel de soins, et très correctement rémunérés ; aucune autre formation professionnelle n’offre de telles conditions de formation pratique. Privilégiés d’avoir une garantie d’emploi à la fin de leurs études. Privilégiés, particulièrement les spécialistes, d’avoir accès à des appareillages dispendieux dans les établissements de soins. Enfin, privilégiés d’exercer leur profession comme entrepreneurs indépendants, mais sans risque, avec une clientèle captive, assurée, peu critique et reconnaissante.

Comme si ce n’était pas assez, vous avez le délicat privilège de gérer en partie la demande d’actes, et en totalité l’offre de soins. Pensez-y ! Enfin, du point de vue fiscal, vous pouvez réduire votre taux d’imposition en vous incorporant, comme le font d’autres professionnels d’ailleurs, de planifier le moment et la durée de vos vacances.

À propos des 416 millions de dollars de dépassement des coûts non budgétisés, M. Barrette clame haut et fort que cette augmentation de la rémunération reflète une augmentation de leur productivité. Ce faisant, il réduit la productivité des médecins à la simple multiplication des actes, peu importe leur qualité, leur pertinence ou leur répartition géographique. De plus, personne n’évoque les coûts encore plus importants que ces actes génèrent inévitablement dans le système de soins, en termes de personnel et d’investigation. Cette approche est tout à fait conforme avec l’idéologie du gouvernement actuel.

C’est d’ailleurs ce même genre d’arguments que notre premier ministre et son ineffable ministre de la Santé ont utilisé pour glorifier un collègue député ministre qui, dans ses temps libres d’élu, avait inscrit sur sa liste plus de mille nouveaux patients. Cette productivité, M. Barrette, est suspecte ; on peut voir les propriétaires de cliniques privées se frotter les mains ! « Non, non, Docteur ! Ne gaspillez pas de temps au téléphone pour donner le résultat des tests ! Faites plutôt revenir le patient ! » Allô, productivité.

Chers collègues, voulez-vous vraiment embarquer dans cette galère ? Bien que retraitée, je me sens concernée, et j’ai du chagrin de vous voir porter le fardeau de ce cadeau empoisonné que ces messieurs ont mis sur vos épaules. Je sais que bon nombre d’entre vous sont encore ahuris de voir la manne qui est tombée dans leur poche depuis les négociations Barrette, président de la FMSQ. Vous avez laissé faire, car la tentation est grande de se taire, quand le groupe sert de paravent. Mais vous n’avez pas vu venir l’opprobre et la transformation insidieuse de notre profession que cela laissait présager.

Maintenant, c’est clair. La médecine au Québec va redevenir une « business », et je ne crois pas que vous serez heureux d’exercer dans ce contexte, en laissant sur le bord du chemin les plus mal pris. De grâce, debout, et reprenez les rênes de votre vie professionnelle comme vous l’avez rêvée en choisissant la médecine, en symbiose avec la population.

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