COP21: le scénario «pragmatique»

Place de la République, à Paris, des manifestants ont marqué le début de la COP21 en déposant des chaussures par terre.
Photo: Laurent Ciprinai Associated Press Place de la République, à Paris, des manifestants ont marqué le début de la COP21 en déposant des chaussures par terre.

La COP21 réunira à Paris tous les pays membres de l’ONU afin d’aboutir à un accord international visant à limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES). L’objectif visé est ambitieux : s’entendre pour réduire les émissions de CO2 d’ici 2050 afin de limiter le réchauffement climatique à 2 °C, rendre l’accord global contraignant (assujetti à des poursuites juridiques) et constituer un Fonds vert de 100 milliards de dollars.

La paire de lunettes que nous utilisons pour analyser la question climatique est celle du capitalisme, et donc de la poursuite de la satisfaction individuelle et de la croissance. C’est la réalité économique dans laquelle nous vivons.

Malheureusement, les solutions basées sur cette paire de lunettes restent trop timides face à la mesure du défi à abattre. Toutes les mesures d’atténuation évoquées dans le cadre de la COP21 (qui reviennent à mettre un prix relativement faible sur la pollution) représentent des microsolutions pour un macroproblème. Et pourquoi cela ? Tout simplement parce que, contrairement à tous les autres problèmes économiques, que ce soit une réforme fiscale ou un accord de libre-échange, l’irréversibilité de la question climatique fait que nous n’avons plus le luxe de faire ce que nous avons fait depuis la première COP à Berlin en 1995 : remettre les choses à plus tard.

Plusieurs économistes écologistes trouvent de toute façon ce programme trop « mou » et embrassent plutôt une approche basée sur la décroissance (moins de consommation, moins de PIB). Les résultats des modèles macroéconomiques montrent toutefois que le passage à une économie sans croissance économique pourrait s’avérer une expérience extrêmement coûteuse en matière de chômage, de pauvreté et d’endettement public pour une réduction somme toute peu significative des émissions de GES (-15 % d’ici à 2035).

Solution pragmatique

 

Un scénario mesuré et pragmatique situé entre le capitalisme vert (trop timide) et l’écologisme sans croissance (trop radical) pourrait être celui d’une croissance économique plus faible, mais respectueuse de l’environnement.

D’ici 2030, il faut impérativement :

Se détourner des énergies fossiles. L’abandon progressif et définitif du charbon et un désengagement envers les énergies fossiles.

Implanter une taxe sur le carbone pancanadienne. Ce prix doit s’orienter rapidement vers 150 dollars canadiens la tonne de carbone (ce qui est déjà le cas en Suède, ce qui fait qu’un litre d’essence coûterait aujourd’hui 1,53 $ à la pompe à Montréal). Ce prix tourne autour de 15 dollars au Québec. En outre, le resserrement de l’écofiscalité devrait s’accompagner d’une fiscalité progressive, où les pollueurs paient des taxes de plus en plus importantes en termes relatifs (à l’instar de la progressivité de l’impôt sur le revenu). Viennent s’ajouter des crédits d’impôt « climat » afin de protéger les bas revenus.

Il est intéressant de noter que le célèbre économiste français Thomas Piketty a montré récemment que l’on pourrait entièrement financer le Fonds vert de l’ONU de 100 milliards de dollars en décrétant une taxe spéciale sur les billets d’avion, de 360 dollars canadiens en première classe et de 40 dollars canadiens en classe économique.

Au minimum, tripler les investissements dans les énergies renouvelables, mettre sur pied de meilleurs programmes d’incitation thermique des bâtiments et des logements, et donner priorité aux transports collectifs. Sur ce dernier point, il faut absolument remettre en question nos habitudes de consommation vers entre autres moins de transport privé. « Il faut sortir les gens de leurs voitures », scandait récemment le Conference Board.

Évoluer vers une économie davantage basée sur l’économie locale du partage (pourquoi ne pas avoir une tondeuse par voisinage ?), l’échange de services et l’économie sociale.

Ambitieux certes, mais nécessaire

 

Le plan que nous proposons ci-dessus est beaucoup plus ambitieux que tout ce qui est sur la table pour la COP21. Pourtant, il est nécessaire, car tout ce qui est discuté en ce moment pour la Conférence de Paris serait loin d’être suffisant si jamais un accord était conclu.

So what ?, comme le dit l’expression populaire. Comme le mentionnait Laurent Fabius, ministre français responsable de l’organisation de la COP21 : « Il n’y a pas de plan B, car il n’y a pas de planète B. »

Quelle que soit la stratégie adoptée pour lutter contre les changements climatiques, elle nous demandera plus d’efforts comme individus vers des choix qui privilégient un peu plus de « collectif » et un peu moins d’« individuel ». Ces efforts sont incontournables et, comme le temps presse, il faut cesser de tergiverser et attendre que les choses se règlent d’elles-mêmes un jour.

Car la planète, elle, nous attendra-t-elle ?

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