Du désir d’enfant au blanchiment d’enfant

Certains couples qui veulent avoir des enfants en sont incapables par suite d’infertilité physique, ou d’infertilité « sociale » dans le cas des couples gais. D’habitude, les gens se tournaient vers l’adoption, permettant ainsi à un enfant déjà né d’avoir des parents. Les nouvelles biotechnologies viennent aujourd’hui tout bouleverser.

La procréation assistée permet à des couples infertiles de vouloir un enfant qui serait porteur de leurs gènes, et de « commander » un enfant à une mère porteuse. On parle alors de maternité pour autrui (MPA).

Il s’agit de parents commanditaires, et non de parents d’intention, car n’est pas parent d’intention qui veut. Pour avoir recours à des mères porteuses, il faut être financièrement à l’aise : en Amérique du Nord, cela coûte près de 100 000 $. Ces parents commanditaires, qui vivent le plus souvent dans les pays développés, traiteront avec une agence commerciale — plus rarement, directement avec une mère porteuse.

Des femmes pauvres

 

Qu’il s’agisse de la Thaïlande, de l’Inde ou du Mexique, pays fournisseurs de mères porteuses, celles-ci sont des femmes pauvres qui, faute de choix, portent les enfants des couples riches des pays du Nord. Ces mères porteuses sont très appréciées par les agences afin de contourner les lois de certains pays, de trouver des mères porteuses à très bas prix et de protéger davantage les droits des parents commanditaires que ceux des mères porteuses.

Il en est de même au Québec : les mères porteuses qui le font contre compensation viennent le plus souvent de milieux beaucoup moins favorisés que celui des parents commanditaires.

La société a l’obligation de réfléchir aux conséquences de la MPA. Ces enfants sauront un jour qu’ils ont été fabriqués à seule fin d’être abandonnés ou vendus par la mère porteuse. Comment croire qu’aucune blessure psychologique n’en découlera ?

Quels avantages les enfants peuvent-ils retirer à devenir une marchandise livrable selon les termes d’un contrat ? Que deviendront ceux qui naîtront imparfaits ou rejetés par les parents commanditaires et la mère porteuse ?

Marchandisation

 

Acteur invisible mais puissant, l’industrie des biotechnologies a permis la marchandisation des enfants. Ce sont des centaines de millions de dollars et bientôt des dizaines de milliards dont il est question. Avec de tels enjeux financiers, l’industrie ne ménage pas ses efforts pour promouvoir la MPA et combattre les lois trop contraignantes.

La MPA ne peut être considérée que du seul point de vue du désir légitime des couples d’avoir un enfant : le désir d’enfant est vite devenu un droit à l’enfant, aboutissant au commerce d’enfants et, dans de trop nombreux pays, au trafic d’enfants. Nous en sommes maintenant à l’étape du blanchiment d’enfants : faire reconnaître toutes les filiations, qu’elles soient illégales ou le produit de la marchandisation des femmes les plus vulnérables.

L’article 541 : un rempart essentiel

Au Québec, le Comité consultatif sur la réforme du droit de la famille, présidé par Alain Roy, recommande d’encadrer les contrats de mères porteuses en abolissant l’article 541 du Code civil du Québec qui précise que « toute convention par laquelle une femme s’engage à procréer ou à porter un enfant pour le compte d’autrui est nulle de nullité absolue ».

Le comité propose aussi de faciliter l’accès à la MPA en posant une seule condition : avoir au moins 18 ans pour devenir mère porteuse ou parent commanditaire. Une très jeune femme pourrait ainsi vivre sa première grossesse pour remettre l’enfant à quelqu’un d’autre et tout sera approuvé du moment qu’il y a eu un acte notarié, des conseils juridiques et une rencontre psychosociale. Une entreprise commerciale pourra offrir clés en main tous ces services aux parents commanditaires qui auront les moyens financiers de s’offrir cette procédure administrative prévue pour accélérer la reconnaissance des enfants de mères porteuses.

Le Comité ne prévoit d’encadrer le phénomène des mères porteuses qu’au Québec et n’envisage aucune mesure visant à limiter le tourisme procréatif ailleurs dans le monde. Suzanne Guillet, une des juristes membres du Comité, a apposé sa dissidence à la recommandation qui ferait que « […] peu importe les circonstances, le contrat de mère porteuse serait au-dessus de toutes les lois, vu le droit absolu de l’enfant à sa filiation ».

Le tourisme procréatif et le trafic d’enfants, qui se développent de façon sauvage dans les pays les plus pauvres, risquent de prendre de l’ampleur à mesure qu’on garantira de « blanchir » les enfants en permettant aux parents commanditaires de faire facilement reconnaître la filiation de l’enfant pour en devenir les parents légaux.

Une solution de rechange

 

L’intérêt supérieur de l’enfant réside dans l’obtention d’une filiation qui marque son appartenance à une famille. Pour éviter que ne se développent l’industrie des mères porteuses et la marchandisation des enfants, c’est à des parents adoptifs que nous devrions confier ces enfants nés d’une MPA commerciale, à des parents qui, eux, auront respecté la loi fédérale (interdisant la MPA commerciale) ainsi que les règles de l’adoption.

Ainsi pourra se maintenir un des principes fondamentaux de notre société, à savoir le don du sang, des organes, etc. Il en est de même des MPA à but non lucratif, dites MPA altruistes, qui sont permises. Mais limitons-les aux membres de la famille uniquement, afin d’éviter que des MPA commerciales se déguisent en MPA altruistes pour contourner la loi.

On ne doit ni vendre ni acheter des femmes et des enfants. On ne peut blanchir ce commerce sous prétexte que « ça existe ». L’encadrement de la MPA commerciale au Québec stimulera le développement sauvage du commerce d’enfants. Comme l’affirmait jadis Me Alain Roy (Le Devoir, 2 novembre 2008) : « L'enfant n’est pas et ne devrait jamais devenir le droit de qui que ce soit. »

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