Que faire d’un passé colonial dont on ne veut plus?

Les Néo-Zélandais entament cette année un long processus qui devrait les mener à l’adoption d’un nouveau drapeau en 2016. Ils seront sous peu conviés à désigner, parmi quatre drapeaux présélectionnés, celui qui les représente le mieux. Suivant ce choix, ils détermineront, par voie de référendum, s’ils le préfèrent à l’actuel étendard, arborant l’Union Jack sur fond bleu.
L’adoption d’un nouveau drapeau, pour les Néo-Zélandais, est un moment politique d’autant plus intéressant et significatif qu’il pose une question aussi pertinente de notre côté du globe : quelle place doit-on faire à l’héritage britannique, ou européen, dans les pays du « Nouveau Monde » ? Et surtout : que doit-on faire d’un passé colonial dont on ne veut plus ?
Le premier ministre néo-zélandais John Key a une réponse nette à cette interrogation politique : il faut faire une croix sur les injustices qui ont marqué la relation des populations autochtones et européennes dans l’histoire de plusieurs des pays membres du Commonwealth, et ce, en réformant les emblèmes nationaux.
M. Key, bien que monarchiste, ne cache pas sa préférence envers l’adoption d’un drapeau national sur lequel apparaît la fougère argentée (silver fern, sorte de feuille d’érable locale). Le symbole prétend rassembler tous les Néo-Zélandais, d’héritage européen, maori ou autre. Exit l’Union Jack, que le gouvernement au pouvoir estime être un vestige de l’époque coloniale, prétendument révolue.
Or, les Canadiens sont bien placés pour savoir que l’abandon de l’Union Jack n’est pas garant d’un renouveau positif des relations entre les populations autochtones et non autochtones. Cinquante années se sont écoulées depuis l’adoption de l’unifolié et l’herbe n’est toujours pas plus verte de ce côté-ci du globe.
La protection constitutionnelle des droits et privilèges des membres des Premières Nations demeure, un demi-siècle plus tard, tributaire de facteurs politiques et partisans. C’est notamment le cas de la volonté — ou l’absence de volonté — du gouvernement canadien de mettre en place une commission d’enquête nationale sur la disparition ou l’assassinat de femmes des Premières Nations.
À tout prendre, les autochtones sont sans doute mieux positionnés politiquement vis-à-vis l’État néo-zélandais que par rapport à l’État canadien pour faire valoir leur autonomie et leurs droits. En Nouvelle-Zélande, les Maoris sont proportionnellement plus nombreux en regard de la population totale, s’expriment souvent d’une seule voix et occupent les sièges qui leur sont réservés au parlement national.
Il n’en reste pas moins que les échos venus de notre cousin du Pacifique Sud nous donnent l’occasion de célébrer le consensus qui semble s’être constitué autour de la feuille d’érable, entendu comme le symbole d’une société qui s’est peu à peu détachée de son héritage britannique. Le premier ministre Key vante d’ailleurs la manière dont la feuille d’érable évoque le Canada moderne. La promesse d’un avenir postcolonial, que l’unifolié fait miroiter aux yeux des Canadiens depuis 1965, reste pourtant à remplir.