Faire fi de l’islam politique, c’est rater la cible

La déclaration de M. Couillard voulant que l’intégrisme, comme choix personnel, ne soit pas un danger a suscité un tollé au Québec.

Malek Boutih, député du Parti socialiste français de l’Essonne, le confirme. Ce dernier a remis au premier ministre français un rapport intitulé « Génération radicale ». Son sujet d’enquête : « La dérive islamiste d’une partie de la jeunesse française, sachant que près de 65 % des individus impliqués dans les filières djihadistes ont moins de 25 ans. »

Ce rapport donne raison à M. Couillard sur l’intégrisme comme choix personnel vécu dans le privé, puisque Malek Boutih signale dans ce rapport qu’il ne s’agit pas tant de religion — l’islam n’est qu’un prétexte. « Le succès des recruteurs djihadistes auprès des jeunes repose sur l’adhésion à un projet politique entrant en résonance avec leurs préoccupations internationales et leur rejet de la société démocratique occidentale, plus qu’à une doctrine religieuse fondamentaliste. »

Radicalisation et politique

 

Ce lien entre radicalisation et politique est complètement absent dans le vocabulaire de M. Couillard, sa ministre de la Justice et les « représentants » autoproclamés de la « communauté musulmane ».

Pourtant, depuis la lutte menée par les talibans contre l’Union soviétique en Afghanistan et jusqu’à la création du groupe État islamique, la priorité absolue de la radicalisation des jeunes musulmans est de soutenir la réalisation des projets politiques des différentes factions islamistes. Ce qui unit tous ces mouvements et les États qui les soutiennent est une idéologie totalitaire violente dont l’objectif est l’établissement d’États islamiques sous prétexte d’appliquer les lois dites divines de la charia.

Faire fi de l’islam politique (l’islamisme) en parlant de radicalisation chez les jeunes musulmans au Québec, c’est se tromper de cible. Et si les « représentants » de la « communauté musulmane » ont une bonne raison de le faire, quelle est la raison derrière le mutisme de nos politiciens à l’égard de ce fait idéologique qu’est l’islamisme ?

La lutte contre la radicalisation des jeunes ne servira à rien si l’on est incapable de nommer l’idéologie qui attire les jeunes et si notre société n’est pas en mesure d’asseoir les valeurs démocratiques et laïques. À la place, on fait l’éloge du multiculturalisme ou de l’interculturalisme devenus les otages des revendications religieuses qui ont clairement pris le dessus sur l’enrichissement culturel collectif. L’esprit d’ouverture culturelle semble désormais confisqué, servant à accepter les dérives et les excès des dogmes religieux et des comportements en opposition avec les valeurs démocratiques et laïques et de respect des droits de la personne.

Donc, lutter contre la radicalisation des jeunes sans lutter contre l’idéologie qui les attire et sans être conscient des instruments qu’elle emploie est une lutte stérile et inutile.

Le rôle de l’école

De plus, en mentionnant la source du problème, on dissocie l’islam (une religion comme une autre lorsque pratiquée en privé ou dans les lieux de culte) de l’islam politique. On ne stigmatise plus le simple croyant et on lève la tutelle exercée sur lui par des groupes et des individus qui prétendent le représenter.

L’école doit jouer un rôle central dans cette lutte contre la radicalisation puisque l’expression religieuse à l’école publique, qu’elle soit par le corps professoral ou par les élèves, constitue, directement ou indirectement, du prosélytisme et il est de notre devoir collectif de protéger les enfants d’une telle influence. C’est d’autant plus vrai qu’une démocratie moderne doit définir l’école comme un endroit d’apprentissage où on laisse Dieu à l’extérieur pour faire toute la place au savoir, aux connaissances et à la culture, y compris les valeurs démocratiques et laïques, l’esprit de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, du pluralisme et de la diversité. Face à l’obscurantisme et à la pensée unique qui sous-tendent la radicalisation. L’enseignement à l’école doit inciter à la réflexion et favoriser le doute, et non pas les certitudes dogmatiques.

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