Une année exigeante pour «Le Devoir»

Les médias traditionnels, presse écrite aussi bien que radio et télévision, sont en profonde transformation. La révolution numérique les amène vers de nouvelles façons de faire et de diffuser l’information, tout en les soumettant à des pressions importantes sur le plan financier. Le déplacement des budgets publicitaires vers les nouveaux médias les oblige à repenser leur modèle d’affaires. Le Devoir n’a pas échappé à ces pressions en 2014, malgré le développement de nouvelles plateformes numériques.
Les résultats
Les états financiers pour l’année terminée le 31 décembre 2014 présentent ainsi un résultat opérationnel négatif de 719 685 $. L’année précédente, nous avions enregistré un résultat négatif de 1 453 030 $, lequel comportait toutefois une dépréciation du goodwill d’un montant de 983 185 $. En ajoutant des produits financiers positifs de 39 443 $ et une charge d’impôts négative de 160 263 $, on obtient pour l’année 2014 un résultat net négatif de 519 979 $, comparativement à la perte de 1 328 223 $ enregistrée en 2013.
Pour l’année qui vient de se terminer, les produits des activités courantes ont été de 16 990 086 $, comparativement à 17 877 364 $ l’année précédente. Il s’agit d’une diminution de 5 %. Les revenus de publicité ont connu une baisse de 9,2 %. Ces trois dernières années, tous les médias traditionnels ont vu une partie de leurs investissements publicitaires se déplacer vers les nouveaux médias. Les revenus tirés de la diffusion du journal, toutes plateformes confondues, ont diminué de 2,5 %. La diffusion du Devoir, telle qu’elle a été constatée par l’Alliance for Audited Media, s’est établie pour le semestre terminé le 31 mars 2015 à 34 219 exemplaires pour les jours de semaine et à 53 928 exemplaires pour l’édition du week-end. Le nombre d’abonnés numérique s’élève à près de 8200. Le nombre cumulatif de lecteurs par semaine est, selon le Print Measurement Bureau, de 488 000.
Les dépenses de fonctionnement ont de leur côté été sévèrement contrôlées, de telle sorte qu’elles se sont établies à 17 530 976 $, en baisse de 3,3 %. La perspective d’une perte plus importante que celle prévue en début d’année a amené la direction à mettre en place, dès le début du deuxième semestre, des compressions de dépenses, dont un gel des salaires pour tout le personnel non syndiqué et pour les cadres. Les employés syndiqués de la rédaction ont accepté un gel de leur salaire pour les années 2014 et 2015. Un programme de départs volontaires a par ailleurs été mis en place, et sept employés ont accepté de s’en prévaloir. Diverses autres mesures, dont l’abandon de la publication de L’Agenda, ont été mises en oeuvre au début de la présente année.
«Le Devoir» sur tablette
Les difficultés financières auxquelles les journaux sont confrontés ont pour origine les changements technologiques que, paradoxalement, ils doivent s’approprier pour s’assurer un avenir. Investir dans le développement d’outils numériques et de nouvelles plateformes nous est apparu comme une nécessité qu’on ne pouvait remettre à plus tard. Nous avons ainsi choisi de concentrer en 2014 nos efforts sur le développement d’une application tablette qui permettrait aux lecteurs de lire Le Devoir sur les tablettes de tous formats ayant les systèmes d’exploitation iOS ou Android.
Commencé à l’automne 2013, le développement de cette application s’est fait à des coûts relativement modestes, comparativement à ce que certains de nos concurrents ont investi dans cette aventure. Lancé en novembre, Le Devoir sur tablette permet, grâce aux avancées technologiques qu’offre le numérique, de lire le journal autrement. Ce Devoir numérique est différent de la version papier parce qu’il permet d’offrir davantage de contenus et d’accéder de façon dynamique à des compléments d’information. Mais c’est toujours un journal dont la mission première est d’informer. Ce qui caractérise Le Devoir sur tablette est qu’on y trouve le texte, mais aussi le contexte. Nos travaux ne se sont pas arrêtés à l’application tablette. Aujourd’hui, nos lecteurs peuvent nous trouver là où ils nous veulent puisque Le Devoir est disponible sur cinq plateformes différentes. Outre le papier, la tablette et le Web viennent de s’ajouter une nouvelle version du format virtuel et une nouvelle version de notre site mobile. Les objectifs que nous nous étions fixés sont atteints.
Si certains de nos concurrents misent leur avenir sur un modèle gratuit de diffusion de leurs contenus, nous maintenons pour notre part le modèle payant mis en place il y a 12 ans, réservant à nos abonnés l’ensemble de nos contenus sur nos plateformes numériques. Nous modifions notre approche. Aujourd’hui même, nous mettons en place un « mur payant ». Les abonnés auront toujours un accès illimité à nos contenus alors que les non-abonnés seront limités à un nombre déterminé d’articles par mois, comme le font la plupart des grands quotidiens nord-américains. Nous rejetons l’idée que les revenus de publicité puissent et doivent à l’avenir assurer seuls le financement des médias d’information, qu’ils soient imprimés ou numériques. Nous pensons que servir un lectorat, en lui fournissant chaque jour une information indépendante de qualité, triée, recherchée, vérifiée, mise en contexte et expliquée, et se faire payer pour ce service qu’on offre n’est pas, en soi, un modèle d’affaires dépassé. La qualité de l’information au Devoir ne se conçoit pas sans une totale indépendance éditoriale, laquelle nous vient d’abord des lecteurs.
La période de transition présente ne se traverse pas sans difficulté, comme le montrent nos résultats. Heureusement, Le Devoir a des amis. Depuis le début de son histoire, ils lui ont apporté un soutien indéfectible lorsqu’il s’est retrouvé dans la tourmente comme il l’est aujourd’hui. Nous avons fait appel à eux ces derniers mois. Ils ont été nombreux à répondre présents lorsque Les Amis du Devoir, cette association sans but lucratif qui nous accompagne depuis 1914, a lancé ce projet d’un fonds des Grands Amis du Devoir. L’objectif est de réunir 200 membres contribuant au fonds pour 1000 $ chacun afin de soutenir les projets de développement du Devoir pendant la période de transition que nous vivons. Il sera très certainement atteint. En plus, de très nombreux lecteurs ont voulu se joindre au mouvement par des contributions plus modestes, qui sont tout autant appréciées. Tous sont chaleureusement remerciés.
Le message que les lecteurs et tous ces amis nous transmettent de multiples façons depuis qu’ils savent Le Devoir dans la tourmente est leur désir de le voir continuer. Ils nous disent que Le Devoir leur est essentiel. Leur appui est stimulant, et je peux leur assurer que, tous au Devoir, nous le voulons aussi. À l’heure actuelle, l’équipe de direction et le conseil d’administration ont pour principale préoccupation d’assurer la pérennité de l’institution qu’est Le Devoir. Ce n’est pas la première fois que notre journal est confronté à des difficultés. Il a su par le passé se transformer. Il le saura à nouveau.
La période que nous traversons est, par la force des choses, exigeante. Il me faut remercier les employés du Devoir. Qu’ils soient syndiqués, non syndiqués ou cadres, tous ont accepté de faire plus avec moins, selon l’expression consacrée. L’équipe de direction qui m’entoure m’a été d’un très grand soutien. Je veux souligner le travail de Josée Boileau, vice-présidente à la rédaction, de Christianne Benjamin, vice-présidente au développement, de Lise Millette, vice-présidente aux ventes publicitaires, de Stéphane Roger à la direction financière, de Marie-Andrée Chouinard à la direction de l’information, de Christian Goulet à la production, de Yanick Martel, administrateur Web, et de Claudette Béliveau, adjointe à la direction. Un salut tout particulier aux membres du conseil du Devoir inc. et à son président, Jean Lamarre, ainsi qu’aux membres des Amis du Devoir et à leur président, Michel Petit.
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