Déni, quand tu nous tiens

Le 2 avril prochain, je serai dans la rue.
Nous serons dans la rue, n’en déplaise à M. Couillard.
N’en déplaise à la majorité qui se foule les yeux à force de les rouler.
Je ne suis pas étudiante en philosophie de l’anarchie à l’UQAM. En fait, je ne suis pas étudiante du tout. Je suis une jeune professionnelle et mère d’un enfant pour qui je suis prête à bien des austérités. On croit que je revendique le beurre et le crédit du beurre. Je suis au contraire prête à payer cher la livre, mais lasse qu’on me prenne pour la vache à lait pour ensuite exiger que je batte moi-même mon beurre.
Je ne milite pas pour moi. Il y a longtemps que j’ai compris que la politique ne se pressait pour personne, sauf les siens. Je milite pour mon fils. Pour qu’il ait accès à la richesse sociale qui le façonnera en tant qu’humain. Il mérite que je dérange le confort individuel collectif quelque temps pour signifier qu’il compte, lui aussi. Même s’il n’est pas un descendant de Thierry Vandal. Il mérite mieux qu’un peuple qui se divise pour l’argent et s’unit pour la xénophobie.
Je suis née dans un pays gouverné par la religion. Mon père m’a souvent dit que l’humain trouvait dans la servitude un confort abrutissant. Il m’a appris à ne laisser personne réfléchir pour moi. Ma réflexion, c’est le Québec qui l’a nourrie de ses valeurs d’égalité et d’humanisme.
C’est ce Québec même qui aujourd’hui se complaît dans une léthargie résolument laïque. On est tous Charlie jusqu’à ce que la liberté d’expression bloque des artères. On est tous pour la démocratie jusqu’à ce qu’elle soit attaquée par des idées plutôt que des AK-47.
Y a pas mort d’homme. Fermez vos gueules.
L’équilibre budgétaire ne fera pas de nous un peuple fier. Nous sortirons en théorie vainqueurs, mais en pratique socialement fracturés par l’inégalité. N’est-ce pas du déni quand, plutôt que de changer la théorie, on maquille la pratique pour qu’elle lui ressemble ?
Le FMI, ancien fervent défendeur des politiques d’austérité, se range désormais avec les Joseph Stiglitz de ce monde et avance que l’austérité est une mesure inefficace.
Qui croire, entre le lauréat du prix Nobel de l’Économie, dont la position est exempte de conflit d’intérêts, et un gouvernement incapable de dire « austérité » en nous regardant dans les yeux parce que « rigueur économique » fait moins fourcher sa langue de bois.
Je crois qu’un gouvernement peut être à l’écoute de ceux qui meuglent en bas de l’échelle économique pendant que les cravates discutent des affaires de grandes personnes. Utopiste, j’en suis.
Le 2 avril, je prendrai une longue marche avec nombre de mes concitoyens. (Si j’avais un médecin de famille, je suis sûr qu’il appuierait l’idée. Ça fera un infarctus de moins sur le bras du gouvernement.)
Vous qui marcherez à mes côtés, je vous conjure de rester pacifiques en toutes circonstances. Il en va de la légitimité du mouvement.
Il y a assez d’eux qui coupent, nul besoin de nous qui cassons.