Opposer l’espoir à la haine

Pegida est en ville. Qui ? Pegida Québec, un clone du grand frère allemand qui rassemble là-bas des milliers de citoyens opposés à ce qu’ils appellent « l’islamisation de l’Occident ». Des racistes, xénophobes et haineux, qui ont même amené la conservatrice Angela Merkel à mettre ses concitoyens et concitoyennes en garde contre l’islamophobie. Quel rapport avec le Québec ? Un chapitre de Pegida est né à Montréal il y a quelques semaines. Il se dit non-islamophobe et appelle à manifester « pour la protection de nos valeurs, de notre langue, de notre culture et de nos coutumes ». Manifester où ? À Montréal, en plein petit Maghreb, le 28 mars à 16 heures !

Appelons un chat un chat. Sur son site, Pegida Québec se définit comme un « Regroupement québécois en soutien à l’Allemagne, contre l’islamisation de l’Occident et des Amériques ». Son action vise directement la communauté musulmane. Parmi ses adeptes, on retrouve des chrétiens fondamentalistes et des adhérents du Front national du Canada, un mouvement clairement contre l’immigration et férocement anti-islam. À Québec solidaire, nous ne mangeons pas de ce pain-là et sommes convaincus que l’immense majorité des Québécoises et Québécois rejettent catégoriquement ces extrémismes. Alors pourquoi en parler ?

Parce qu’une certaine inquiétude règne dans la population québécoise. Presque à chaque semaine, la télévision nous montre des images terrifiantes témoignant des exactions du groupe État islamique, implanté en Irak et en Syrie, et de Boko Haram au Nigeria. Les attentats de St-Jean-sur-Richelieu et d’Ottawa, de Paris contre les journalistes de Charlie Hebdo et plus récemment au Danemark, sont venus troubler notre relative quiétude. Puis, nous avons appris que quelques jeunes Québécois seraient partis pour la Syrie combattre aux côtés des djihadistes. Enfin, un imam fondamentaliste a voulu ouvrir un centre de prêche et de prières à Montréal. Nous découvrons alors que les fondamentalismes islamistes ont pignon sur rue chez nous et nous cherchons comment agir. Et voilà que d’autres extrémistes, ceux de Pegida, qui prêchent l’islamophobie, tentent de nous séduire en prétendant défendre nos « valeurs ». Tout cela exige une réflexion posée et une action conséquente contre les fondamentalismes et les extrémismes de tout acabit.

Depuis sa fondation, Québec solidaire lutte avec ardeur contre l’intégrisme, contre tous les intégrismes, sans céder aux amalgames et à la stigmatisation de certaines communautés. Rappelons que toutes les religions et idéologies politiques ont leurs intégristes. Chez certains pasteurs évangélistes, les minorités sexuelles et les femmes n’ont pas une grande valeur. Est-il nécessaire de rappeler la proximité des sectes évangélistes avec le gouvernement Harper, celui-là même qui a coupé les subventions étatiques aux ONG travaillant dans des pays du Sud et favorisant l’accès de méthodes contraceptives aux femmes ?

Face à l’intégrisme islamiste, face à sa capacité de séduction auprès de plusieurs jeunes, l’intensification de la répression ne peut, à elle seule, garantir un résultat positif et par-dessus tout, permanent, contre la radicalisation djihadiste. Elle donne surtout au gouvernement Harper la capacité de renforcer son arsenal judiciaire et policier, lui octroyant la possibilité de brimer de façon arbitraire les droits fondamentaux de tous les citoyens et citoyennes. Cela dénature notre État de droit.

L’interdiction de la prise de parole est-elle une avenue ? Au moment où nous discutons jusqu’à plus soif de liberté d’expression dans une société réputée pour sa liberté de parole, comment nous assurer que ce droit garanti par les chartes ne devienne pas un instrument d’intolérance et de haine ? Qui doit décider de ce qui peut ou ne peut pas être déclamé, prêché, diffusé dans un pamphlet ou dans un lieu de culte ? Le code criminel canadien sanctionne l’incitation à la haine et à la violence contre des groupes identifiables. On dit que cette incitation doit être réprimée lorsqu’elle « est susceptible d’entraîner une violation de la paix ».

Justement, dans le contexte troublé que nous connaissons, marqué par des inquiétudes légitimes, mais aussi par une montée de l’intolérance envers la communauté musulmane vivant au Québec, nous sommes en droit de nous poser cette question : si la ville de Montréal a pu refuser à l’imam Chaoui l’ouverture d’un local pour prêcher l’intolérance envers les femmes, pourquoi Pegida aurait-il la permission de manifester un samedi après-midi, de manière provocante, au coeur du petit Maghreb ? Ce groupe à l’idéologie raciste -même s’il s’en défend- ne risque-t-il pas « d’entraîner une violation de la paix » dans ce quartier de Montréal ?

Au lendemain de la tuerie de 2013 en Norvège, perpétrée par un intégriste antimusulman d’extrême droite, le maire de la ville d’Oslo a eu une parole inspirante : répondre aux actions intégristes violentes par encore plus de démocratie. C’est par là que nous devons aller, ensemble ! À la haine, opposons la vie, la justice et l’espoir. Faisons le choix de la démocratie et de la responsabilité citoyenne plutôt que de la peur et le refus de l’autre. Marchons vers un vrai vivre-ensemble en construisant notre culture de demain, pluraliste et inclusive, reposant sur une langue et des valeurs communes. Mettons l’accent sur un meilleur soutien à l’intégration des personnes immigrantes, à leur accès au travail, à leur francisation. Débusquons les discriminations, souvent ferments du repli sur soi et de l’adhésion à des valeurs conservatrices qui visent à séparer au lieu d’unir. Valorisons surtout l’éducation puisque l’école est et doit rester un lieu de préparation à la citoyenneté, rassemblant toute la jeunesse, au-delà des différences. Travaillons dans toutes les communautés, dans toutes les régions qui peuplent le Québec, pour que chaque personne, jeune et adulte, s’engage dans un projet social centré sur le bien commun.

À voir en vidéo