McGill doit sortir des énergies fossiles

Cette semaine, des étudiants demanderont au Conseil des gouverneurs de l’Université McGill que l’Université s’engage à cesser tout investissement, en ce qui a trait à son fonds de dotation, dans les entreprises directement impliquées dans le développement des sables bitumineux ; et à terme, dans l’industrie des combustibles fossiles dans son ensemble.
Cette requête, qui se présente comme une pétition, est le fruit d’une recherche poussée ayant un immense appui dans la communauté. Elle sera déposée au Comité consultatif chargé des questions de responsabilité sociale auprès du Conseil des gouverneurs, dont le mandat comprend la problématique des dommages sociaux et environnementaux. Ainsi, « Divest McGill » se joint à d’autres initiatives en cours dans les campus nord-américains. Plus de 100 membres du corps professoral de McGill ont déjà signé une lettre en appui à cette campagne.
Quantité limitée
Les recherches scientifiques indiquent qu’il y a une quantité limitée de combustibles fossiles pouvant être consumés avant que le réchauffement climatique nous fasse rôtir ; au cours du dernier siècle, nous avons déjà émis la moitié des mille milliards de tonnes de dioxyde de carbone qui nous sont allouées. Cela peut sembler beaucoup, mais si toutes les réserves prouvées de combustible fossile étaient brûlées, cela émettrait trois fois cette quantité.
La responsabilité sociale requiert donc que les compagnies d’énergie fossile abandonnent leurs efforts d’étendre leurs réserves déjà gargantuesques afin qu’elles réinvestissent massivement dans les énergies renouvelables et autres alternatives sans carbone. Puisque la valeur des compagnies sur les marchés boursiers dépend directement de la taille de leurs réserves, leur valeur est donc une grande « bulle de carbone » qui ne manquera pas d’exploser quand les accords climatiques commenceront à limiter l’exploitation des réserves connues. Malgré la surcapitalisation massive, en 2013, les compagnies d’énergie fossile ont collectivement investi près de 700 milliards afin d’augmenter et de développer leurs réserves. C’est presque trois fois l’investissement global annuel dans les énergies alternatives sans carbone. Pire, alors qu’il y a 15 ans, plusieurs entreprises investissaient massivement dans la technologie des énergies renouvelables — BP s’étant de manière notoire rebaptisée « Au-delà du pétrole » — ceux-ci ont fondu pour la plupart et, à l’heure actuelle, c’est moins de 1 % des investissements totaux de ces compagnies qui se fait dans l’énergie alternative.
En l’absence de dispositifs de capture et du stockage de carbone à grande échelle, les compagnies font le pari que les pressions mondiales pour limiter le changement climatique continueront d’être sans effet et que les combustibles fossiles continueront d’être brûlés sans limites. Pour s’assurer de ce résultat, elles se sont engagées dans un lobbyisme actif et elles appuient la désinformation climatique.
Ce comportement est immoral et doit être sanctionné. Inspiré par le mouvement de désinvestissement de l’Afrique du Sud, un nouveau mouvement global s’est développé afin de jeter l’opprobre sur ceux qui profitent du désastre climatique imminent et en font un outil de spéculation. Comme dans les années 1970, le fer de lance du mouvement vient des universités. Aujourd’hui, il y a plus de 600mouvements de désinvestissements des énergies fossiles à travers le monde et plus de 180 institutions ont déjà désinvesti plus de 50 milliards de dollars. Récemment, les universités de Glasgow et de Humbolt ont pris la décision de désinvestir. Au Canada, les mouvements de désinvestissement de l’Université de Victoria en Colombie-Britannique ont déjà progressé de manière significative et la pression pour que le conseil d’administration emboîte le pas est forte.
La campagne à McGill réclame un désinvestissement des 5 % du fonds de dotation (constitué d’un milliard de dollars) que l’on estime liés aux combustibles fossiles. Il y a deux ans, une requête initiale présentée au Conseil des gouverneurs avait été rejetée pour de faibles motifs. Depuis, les requêtes furent recentrées, et le mouvement a reçu l’appui officiel des trois grandes associations étudiantes de l’Université et de plusieurs autres groupes sur le campus, ainsi que les signatures de plus de 1300 étudiants, membres du corps professoral, anciens étudiants et employés de la communauté du campus.
Nous, professeurs de science et de politique climatique, demandons que l’Université McGill soit un vrai chef de file en développement durable et devienne pionnière dans la nécessaire rupture avec les énergies fossiles. De plus, nous avons une responsabilité morale en tant qu’institution publique vouée à promouvoir un avenir meilleur pour nos étudiants et notre société, sur une planète sécuritaire. Nous demandons donc à l’Université McGill de remplir cette responsabilité et de cesser d’investir dans l’énergie fossile.