Le triste silence de l’Office des personnes handicapées du Québec

En 1992, l’ONU a déclaré que le 3 décembre serait la Journée internationale des personnes handicapées. Cette journée vise à mettre en lumière les problématiques vécues par les personnes handicapées et mobiliser la société pour qu’ensemble, nous puissions éliminer la discrimination fondée sur le handicap à l’aide d’actions concrètes.
Nous sommes deux femmes handicapées. Nous sommes nées au Québec après l’ajout du handicap à la Charte des droits et libertés du Québec et l’adoption de la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale, en 1978. Plusieurs années après ces moments historiques qui avaient pour but d’éliminer les obstacles pour les personnes handicapées, avons-nous le coeur à la fête aujourd’hui ? Pas vraiment. Être une personne handicapée au Québec en 2014 signifie être davantage exposé à l’exclusion et à la pauvreté. En voici quelques exemples.
Nouvelles gares sans accès
Le 1er décembre, l’Agence métropolitaine de transport inaugurait sa toute nouvelle ligne de train reliant Mascouche à la gare Centrale de Montréal. Des 13 gares composant le circuit, seulement 3 sont accessibles aux personnes utilisant un fauteuil roulant. Apparemment, toutes les gares deviendront accessibles. Quand ? Nous n’en avons aucune idée ; l’AMT n’a pas cru bon d’informer les usagers. En 2014, il est encore possible, au Québec, de construire de nouvelles installations inaccessibles.
La semaine dernière, la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec a annoncé que le gouvernement avait rejeté la proposition d’inclure de nouvelles exigences d’adaptabilité pour l’intérieur des habitations au Code de construction. Cela s’ajoute aux récentes incertitudes quant au financement du programme provincial d’adaptation de domicile qui a été coupé lors du dernier budget et dont les sommes budgétées étaient écoulées en novembre.
En ce qui concerne les transports, le Service de transport adapté de la capitale se retrouvait face à un manque à gagner de 500 000 dollars l’année passée et elle espère que la situation ne se reproduise pas cette année. Même son de cloche à la Société de transport de l’Outaouais : si les subventions gouvernementales n’arrivent pas, le service pourrait en souffrir. Dans son budget 2015, la Société de transport de Montréal a indiqué que la subvention provinciale accordée au transport adapté n’était pas bonifiée, l’obligeant ainsi à assumer les coûts supplémentaires liés à l’augmentation de l’achalandage.
Dégradation
On apprenait également que les nouveaux contrats d’intégration au travail (CIT) ont été gelés en juin dernier. Ce programme permet d’encourager l’embauche et le maintien en emploi des personnes handicapées en offrant une compensation à l’employeur pour permettre l’embauche d’un accompagnateur, l’adaptation du lieu de travail, etc.
Les services de santé et de soutien à domicile, pour leur part, continuent d’être sous-financés. Les personnes ayant des besoins plus complexes sont les premières touchées. Elles ont de moins en moins leur place dans un système où les usagers sont de plus en plus des numéros. Plusieurs de ces personnes sont contraintes de vivre en CHSLD. Certaines d’entre elles décident même de mettre fin à leur vie pour éviter de vivre en institution ou d’être un fardeau pour leurs proches. Depuis avril, trois personnes tétraplégiques se sont enlevé la vie. Le manque de ressources pour vivre chez soi brise des vies, et ce, depuis trop longtemps. Les mesures d’austérité nous laissent présager une aggravation de la situation.
Si les droits des personnes handicapées ont été reconnus dès 1978, la révolution devant mener à leur libération n’a jamais été achevée. La vague néolibérale ayant touché le Québec dès les années 1990 a mis en péril le développement de nombreux services et programmes pourtant nécessaires à l’exercice des droits des personnes handicapées. En freinant des initiatives comme celles énumérées ci-dessus, les nouvelles mesures d’austérité aggravent l’exclusion de ces personnes. Cette exclusion est d’autant plus inquiétante du fait que la discrimination fondée sur le handicap demeure méconnue et que la législation en matière d’accessibilité est trop faible pour faire face aux impératifs économiques de notre époque.
Devoir d’agir
Qu’a fait l’Office des personnes handicapées du Québec en cette journée internationale ? Elle a encouragé les individus à faire de bonnes actions dans les lieux de travail. Chaque année, elle remet des prix. Il faut en faire beaucoup plus. L’Office doit se prononcer sur les réductions budgétaires et les décisions gouvernementales qui ont un impact direct sur la vie des personnes handicapées. Elle doit aussi se positionner en faveur de l’adoption d’une loi contraignante visant à éliminer les obstacles rencontrés par les personnes handicapées.
Cela fait déjà 30 ans que les personnes handicapées le disent : l’Office des personnes handicapées n’existe pas pour les personnes handicapées, mais plutôt pour le gouvernement. Son silence quant aux récentes mesures ne laisse aucun doute.