A-t-on les moyens d’amputer le RQAP?

Le RQAP contribue aux changements de mentalité relativement à la responsabilité des hommes envers les soins des enfants.
Photo: Annik MH de Carufel Le Devoir Le RQAP contribue aux changements de mentalité relativement à la responsabilité des hommes envers les soins des enfants.

On a eu droit, il y a quelques semaines, à un ballon politique concernant l’avenir du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP). Le Québec s’est doté en 1997 d’une politique familiale basée sur la conciliation travail-famille avec, en toile de fond, une préoccupation marquée pour l’égalité entre les hommes et les femmes. La politique de 1997 visait à mettre en place un réseau de garderies subventionnées, des allocations familiales offertes aux ménages moins fortunés et un nouveau système de congés parentaux. Le RQAP, rappelons-le, ne fut mis en place qu’en 2006, par le gouvernement libéral de Jean Charest, à la suite d’une entente politique entre Ottawa et Québec afin que l’administration du programme soit transférée au Québec.

Le congé parental québécois fait l’envie de bien des parents dans plusieurs pays industrialisés, et surtout dans les autres provinces canadiennes. À la suite de la naissance de leur enfant, les parents québécois qui ont obtenu un revenu de plus de 2000 $ au cours des 52 semaines précédant le début du congé peuvent se prévaloir d’un congé leur permettant de demeurer à la maison pour une période maximale d’un an. L’accessibilité au congé est donc relativement aisée, puisque les travailleurs à temps partiel — surtout des femmes — les étudiants et les travailleurs autonomes se qualifient aisément. En revanche, les critères d’admissibilité au congé parental dans les autres provinces sont beaucoup plus restrictifs, puisqu’il faut avoir cumulé au moins 600 heures d’emploi assurable pour pouvoir obtenir des prestations. Ensuite, le RQAP est plus généreux que dans les autres provinces, puisque les bénéficiaires peuvent obtenir jusqu’à 75 % de leur salaire, pour un maximum assurable de 69 000 $. Autrement dit, le maximum qu’un parent puisse obtenir en prestations hebdomadaires se situe autour de 995 $ brut.

Partout ailleurs au Canada, le programme de congé de maternité est lié à celui de l’assurance-emploi. Ainsi, le calcul des prestations s’établit à 55 % de la rémunération hebdomadaire, avec un plafond de la rémunération annuelle qui s’élève à 48 600 $ ; cela signifie que le montant hebdomadaire maximal brut est de 514 $ par semaine. Enfin, le programme québécois offre trois types de congé, soit le congé de maternité (réservé aux mères), le congé parental (qui peut être divisé entre les parents) et le congé de paternité (réservé au père). Ce dernier congé n’existe tout simplement pas dans les autres provinces. Pour résumer, le RQAP est donc plus accessible, plus généreux et il offre la possibilité pour les pères de bénéficier d’une période de temps non transférable à la mère pour s’occuper de leur nouveau-né.

Trop généreux le RQAP?

 

Une brève comparaison entre la structure des congés parentaux au Québec, au Canada et aux États-Unis porte à croire que le Québec se distingue véritablement par la générosité de son programme. Aux États-Unis, le Family and Medical Leave Act (FMLA) permet aux employés qui se qualifient d’obtenir 12 semaines de congé parental non rémunéré. Les États-Unis, toutefois, offrent les congés parentaux les moins généreux de l’ensemble des pays industrialisés. Or, en détournant le regard vers l’Europe, on constate vite que le Québec ne fait pas cavalier seul dans son désir de bien soutenir les jeunes familles. Plusieurs pays, dont la Finlande, la Hongrie, la Pologne et la Norvège, offrent des congés d’une durée de 100 semaines ou plus. D’autres, dont la Finlande, le Portugal et l’Islande, proposent de longs congés de paternité, congés qui peuvent durer jusqu’à trois mois dans le dernier cas. Enfin, de nombreux pays européens rétribuent le congé de maternité à 100 % du salaire (avec un maximum assurable). C’est le cas, par exemple, de l’Allemagne, de la Grèce, de l’Espagne, des Pays-Bas et de la Slovénie.

Il importe par ailleurs de rappeler le contexte dans lequel le RQAP fut mis en place. La politique familiale de 1997, très axée sur la conciliation travail-famille, venait remplacer la politique nataliste mise en place en 1988. La politique de 1988 offrait aux familles des allocations familiales universelles et des primes à la naissance, dans le but de faire augmenter le taux de fécondité. Or, de nombreuses études, au Québec comme en Europe, démontrent que les politiques natalistes ont un effet mitigé sur la natalité. Par contre, les mesures de conciliation travail-famille, dont les congés parentaux et les services de garde institutionnalisés, exercent souvent un effet positif sur les naissances.

Depuis les années 60, les taux de fécondité au Québec sont demeurés sous les moyennes canadiennes. Ce n’est que depuis 2006 — tout de suite après la mise en place du RQAP — que la fécondité est plus élevée au Québec que dans le reste du Canada. Cette « coïncidence » ne peut être ignorée, alors que le Québec fait face à un défi démographique d’envergure avec le vieillissement de sa population, lequel est le résultat d’un taux de fécondité se situant sous le seuil de remplacement de la population. À long terme, les coûts engendrés par une population vieillissante seront sans doute plus importants que ceux du RQAP qui, ne l’oublions pas, est un programme autofinancé. Pourquoi donc modifier les paramètres d’un programme peu coûteux et qui, à long terme, aide la population à se régénérer ?

Changement de mentalité

 

Enfin, le RQAP contribue aux changements de mentalité relativement à la responsabilité des hommes envers les soins des enfants. En incitant les pères à prendre des congés de paternité, le programme contribue à diminuer le phénomène de la discrimination en embauche envers les jeunes femmes sur le marché du travail de la part d’employeurs craignant qu’elles s’absentent longtemps à la suite d’une naissance. Le RQAP encourage les hommes à calquer leur parcours professionnel sur celui des femmes, plutôt que le contraire. Ainsi, le RQAP contribue à l’amenuisement des inégalités de genre, une valeur au coeur des préoccupations des Québécois.

La vraie question à se poser est donc la suivante : a-t-on les « moyens » de modifier un programme qui s’autofinance, qui n’est pas excessivement généreux, qui permet aux familles de prendre du temps de qualité avec leur nouveau-né, qui contribue à augmenter la fécondité et qui encourage l’égalité entre les hommes et les femmes ?

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