Le prix du fleuve?

Depuis de nombreuses années et de tous les coins du Québec, nous venons passer quelques jours, quelques semaines, quelques mois au bord du fleuve Saint-Laurent. Certains d’entre nous ont même décidé de s’y installer. Que la beauté, le silence, la lumière, la vie du fleuve, de sa faune et de ses rivages puissent être détruits par le terminal maritime que la compagnie TransCanada veut implanter dans le port de Gros-Cacouna, par les forages et le transport du pétrole tiré des sables bitumineux, et surtout par les inévitables catastrophes ou marées noires « improbables », tout cela nous est intolérable.
Si cela se produisait, nous pourrions toujours choisir d’autres destinations de vacances, ce qui entraînerait des pertes économiques sans doute plus importantes que « les retombées pour l’économie et l’emploi » que font valoir les intervenants qui défendent le projet, mais aucune de ces destinations ne serait, pour nous, un tel lieu de ressourcement. C’est que le fleuve, qui coule entre la rive nord et la rive sud, entre l’intérieur des terres et l’océan, entre notre passé le plus ancien et notre avenir, est non seulement ce qui nous abreuve (43 % de la population québécoise s’y approvisionne en eau potable), mais aussi ce qui nous relie à nous-mêmes et nourrit notre imaginaire. Si une catastrophe se produisait, ce serait une perte irrémédiable de beauté et de mémoire.
Abandonner le fleuve aux intérêts financiers à court terme, c’est compromettre la suite du monde.
Le fleuve n’a pas de prix, le fleuve n’est pas à vendre.
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