Quand un rapport annuel ne dit rien… doit-on avoir confiance?

L'arrivée, chaque printemps, du rapport annuel du SPVM est une nécessité dans une société démocratique, tant il est important qu’une institution policière puisse rendre des comptes aux citoyens quant à son action. Mais elle est aussi une déception réelle quant à l’incapacité du service de police de témoigner d’une véritable réflexion sur ses pratiques et leurs effets pour renforcer la confiance des citoyens à son endroit.
Le rapport indique que « l’ouverture, le dialogue, la transparence et l’amélioration en continu de nos façons de faire sont au coeur du lien de confiance qui unit les citoyens et les policiers de Montréal ». Ainsi, la confiance sera au coeur de la cuvée 2013, avec la mise en oeuvre de « l’approche Citoyens ».
Pourtant, pas une ligne, un mot, sur les incidents survenus durant l’année 2013, sur les enjeux entourant le profilage social, racial et politique et sur les difficultés du SPVM à intervenir auprès des populations marginalisées, sur la manière d’évoquer les situations.
Doit-on et peut-on avoir confiance dans le service de police quand des patrouilleurs tiennent, au quotidien, des propos insultants, injurieux et parfois même intimidants à l’endroit des populations itinérantes ?
Doit-on et peut-on avoir confiance dans le service de police quand, malgré l’adoption d’une politique en matière de profilage social et racial, aucun incident ni événement n’est recensé, analysé et sanctionné ?
Doit-on et peut-on avoir confiance dans le service de police quand les interventions auprès de personnes en situation de crise conduisent à la mort ?
Doit-on et peut-on avoir confiance dans le service de police quand certaines manifestations sont interdites sur-le-champ et d’autres acceptées ?
Doit-on et peut-on avoir confiance dans le service de police quand un seul cas est transmis au Comité de déontologie policière ?
Les réponses ne se trouvent pas dans le rapport annuel. On demande aux citoyens de faire confiance de manière aveugle à leur service de police. Pourtant, un sondage non probabiliste de type panel Internet mené en 2013 auprès de 700 personnes, dont 336 Montréalais, montre que 20 % des Montréalais considèrent que les policiers sont trop répressifs à l’endroit des populations autochtones, 18 % estiment de la même façon que les policiers sont trop répressifs à l’endroit des minorités visibles, 28 % à l’égard des étudiants et 19 % à l’égard des populations itinérantes. En somme, un Montréalais sur cinq s’inquiète des pratiques du SPVM à l’égard de certains groupes de la population.
Il est dommage qu’ils ne puissent trouver réponse à leurs inquiétudes dans un rapport annuel d’un service de police, qui leur demande pourtant de lui faire confiance, ni même dans le travail des élus de la Commission de la sécurité publique chargés de les représenter et veiller au travail du service de police.
*Céline Bellot, directrice de l’Observatoire des profilages racial, social et politique et professeure à l’école de service social de l’Université de Montréal ; Suzanne Bouclin, professeure à la Faculté de Droit de l’Université d’Ottawa et membre de l’Observatoire ; Pascale Dufour, professeure au Département de science politique de l’Université de Montréal et membre de l’Observatoire ; Francis Dupuis-Derri, professeur au Département de science politique de l’UQAM et membre de l’Observatoire ; Paul Eid, professeur au Département de sociologie et membre de l’Observatoire ; Fo Niemi, directeur du CRARR et membre de l’Observatoire ; Jacinthe Rivard, coordonnatrice de l’Observatoire ; Marie-Ève Sylvestre, professeure à la section de droit civil de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa.
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NDLR: Une correction a été apportée dans la liste des signataires après la mise en ligne.