Quelques voies d’avenir pour la stratégie péquiste

L'ampleur de la défaite du Parti québécois rend plus que jamais nécessaire une remise en question de sa stratégie et de sa doctrine. Aucune voie d’avenir ne devrait être exclue a priori.
Mais d’abord, il convient de faire un dur constat : le Parti québécois a perdu l’élection notamment en raison de son option constitutionnelle et de la stratégie qui l’accompagnait. L’idée de promettre « pas de référendum… tant que les Québécois ne seront pas prêts » s’est avérée désastreuse : les souverainistes ont compris qu’il n’y en aurait pas, d’où la démobilisation et la division, et les fédéralistes qu’il y en aurait un, d’où le ralliement au Parti libéral.
Second mandat
S’il veut avoir une chance d’un jour reprendre le pouvoir, le Parti québécois doit s’attaquer à cette question. Plusieurs hypothèses méritent d’être mises sur la table. Il serait possible de simplement clarifier la position actuelle, qui a tout de même le mérite de ne pas précipiter les choses tout en ne s’apparentant pas trop à un renoncement. Concrètement, cela pourrait se traduire par une promesse de tenir un référendum non pas dans un premier mandat, où il n’y en aurait pas, mais dans un deuxième. Le premier mandat serait consacré entre autres à la rédaction d’un livre blanc sur l’avenir du Québec, à la réalisation ou à la mise à jour d’études sur les questions afférentes à l’accession à la souveraineté, à un débat interne sur l’association avec le Canada, à des consultations publiques, etc.
Bref, il s’agirait de prendre quatre ans non pas pour attendre les conditions gagnantes, mais pour préparer le Québec et les Québécois à l’heure du choix. Une telle proposition permettrait aux ténors souverainistes de défendre leur projet, même au moment de solliciter un premier mandat, plutôt que de le cacher de peur qu’il suscite la crainte d’un référendum à court terme.
Objectif à long terme
Une autre possibilité, plus radicale, consisterait à fixer un objectif beaucoup plus modeste : non plus réaliser la souveraineté à court terme, mais simplement la rendre à nouveau possible à moyen ou long terme. Cette option se baserait sur une analyse selon laquelle à force de perdre des élections en attendant le grand soir, le Parti québécois ne participerait pas seulement à perpétuer le statu quo, mais il contribuerait à le solidifier. En laissant planer la possibilité d’un référendum à court terme, il offrirait le pouvoir sur un plateau d’argent aux libéraux qui ne s’en priveraient pas pour l’exercer de manière à rendre tout projet d’émancipation collective plus difficile à envisager (minorisation des francophones à Montréal et bientôt en banlieue, utilisation de l’appareil d’État pour promouvoir un ultralibéralisme qui dévalorise toute forme de droits collectifs, etc.). La solution consisterait alors à faire de la souveraineté non plus un projet à court terme, mais un objectif à long terme, voire un simple idéal à maintenir en vie, ou encore une police d’assurance à conserver et à invoquer en cas d’offensive canadienne contre l’autonomie québécoise ou de refus du Canada d’accommoder le Québec. Entre-temps, des politiques nationalistes, qui contribueraient à rendre la souveraineté ou un autre projet d’émancipation nationale comparable réellement envisageable à nouveau, seraient au coeur de la proposition du Parti québécois : extension considérable de la loi 101, amélioration de l’enseignement de l’histoire nationale, nationalisme économique, etc.
Au-delà des différences de modalités, ces deux options traduisent en fait des choix existentiels. La première équivaudrait à réclamer un troisième tour, après ceux de 1980 et de 1995. La deuxième signifierait tourner la page. La première supposerait un rapprochement pré ou postélectoral avec Option nationale et Québec solidaire. La deuxième poserait l’hypothèse d’un rapprochement avec la CAQ.
Il va sans dire qu’aucune de ces deux possibilités n’est parfaitement réjouissante pour les militants du Parti québécois, et ceux du mouvement souverainiste en général. C’est pourquoi il sera sans doute tentant pour eux d’en envisager une troisième : mettre leur échec sur le dos non pas de causes structurelles liées à la question constitutionnelle, mais sur le dos de causes conjoncturelles (mauvaise campagne électorale, chef expérimentée et donc au passé pouvant être attaqué même injustement, etc.). Bien qu’ils ne doivent pas exclure cette hypothèse trop rapidement, les souverainistes feraient mieux d’éviter d’y adhérer par facilité, pour éviter d’avoir à envisager sérieusement les deux autres possibilités. Car à défaut de véritablement se remettre en question et d’écouter humblement les Québécois, la réalité pourrait les rattraper… et ce, dès l’élection fédérale de 2015.
Guillaume Rousseau - Professeur à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke et conseiller politique au cabinet de Pauline Marois de 2010 à 2012