Le délitement du catholicisme québécois

Les Québécois sont de moins en moins présents dans les Églises. La majorité affirment ne les fréquenter que lors d’occasions spéciales, comme des mariages ou des funérailles.
Photo: Julie Précourt Gagné Les Québécois sont de moins en moins présents dans les Églises. La majorité affirment ne les fréquenter que lors d’occasions spéciales, comme des mariages ou des funérailles.

Au moins 60 % des Québécois se déclarent catholiques. Néanmoins, au-delà de cette référence identitaire, l’appartenance réelle à l’Église a fondu comme neige au soleil. Et leur foi vacille dangereusement. Bref, le catholicisme québécois se délite. Pendant ce temps, l’athéisme et l’agnosticisme progressent : 17 % se déclarent sans religion.

 

C’est ce que révèle le sondage CROP réalisé pour l’émission Second regard de Radio-Canada diffusé dimanche. Il a été mené du 13 au 16 février dernier auprès de 1000 adultes au moyen d’un panel Web. La société d’État a bien voulu nous en communiquer les résultats complets.

 

Premier constat majeur : la religion comme valeur est dorénavant l’affaire d’une minorité : 58 % des Québécois et 54 % des catholiques accordent peu ou pas du tout d’importance à la religion. Mais elle est une réalité complexe. Distinguons.

 

La religion joue d’abord une fonction identitaire. Si 59 % des Québécois, pratiquants ou non, se déclarent catholiques, c’est qu’ils disent avoir été baptisés (59 %). Pourtant parmi ces derniers, le tiers ne se « considèrent » pas comme catholique ou ne savent pas trop.

 

Le catholicisme québécois revêt traditionnellement une dimension nationale : la majorité des Québécois, soit 53 %, estiment « que le catholicisme doit demeurer un trait particulier des valeurs québécoises ». Au demeurant, 60 % des Québécois en général, sinon 70 % des catholiques sont d’accord pour que l’État subventionne la rénovation des lieux de culte patrimoniaux. C’est même le cas de 36 % des « sans religion ».

 

L’appartenance communautaire

 

En principe, la religion se vit avec d’autres et dans l’obéissance aux normes et pratiques prescrites par l’autorité. À cet égard, une courte majorité, 52 % des catholiques disent guider leur vie selon les enseignements de l’Église.

 

Quant à la pratique dominicale, elle a atteint un creux inégalé : 8 % des catholiques déclarent participer à un service religieux hebdomadairement. On atteint 15 % avec les pratiquants occasionnels. En fait, 82 % ne mettent jamais les pieds à l’Église sinon lors d’occasion spéciale, comme les funérailles, les baptêmes ou mariages. Et ce n’est guère différent en région.

 

Pourtant, ô paradoxe, 59 % des catholiques souhaitent pour eux-mêmes des funérailles catholiques. Formulons une hypothèse : les funérailles renvoient à la fois à la fonction identitaire de la religion et aux croyances qu’elle propose, en particulier à l’égard du sens de la vie. Elles constituent l’ultime expression de la foi.

 

Et pour l’avenir ? À terme, s’annonce une minorisation probable du catholicisme québécois. En effet, 60 % des répondants catholiques déclarent qu’ils parlent rarement ou jamais de la religion à leurs enfants. L’école publique n’est plus confessionnelle et l’immense majorité des enfants ne mettent plus les pieds à l’église. Du reste, sur à peu près toutes les variables, les jeunes de 18 à 34 ans se distinguent très significativement de leurs aînés par leur prise de distance vis-à-vis de la religion.

 

Les croyances

 

Entre l’identité et l’appartenance logent les croyances. Elles forment l’assise de la religion. Au total, 58 % des Québécois disent croire en Dieu et 69 % des catholiques. Presque le tiers sont donc passés du côté de l’athéisme ou davantage de l’agnosticisme.

 

Surtout, les croyances centrales du christianisme se diluent. Quelque 56 % des catholiques estiment le message de Jésus toujours pertinent et 55 % voient en Jésus de Nazareth « le fils de Dieu ». Mais pour 45 % d’entre eux, il est un philosophe, un illuminé, un prophète, un homme ordinaire. Et à la question : « Croyez-vous que Jésus est le sauveur de l’humanité », la majorité bascule : 56 % ne le croient pas (30 %) ou ne savent pas (26 %). Bref, à l’égard ces deux énoncés qui forment le coeur de la foi chrétienne, les catholiques québécois sont pratiquement au bord de la rupture.

 

Sur le plan sociologique, ces données confirment le degré avancé de sécularisation du Québec et à un niveau qu’on ne pouvait pas prévoir au tournant des années 60. Les conséquences sociales, voire politiques, du phénomène se sont déjà largement manifestées jusqu’à l’actuel débat sur la charte des valeurs.

 

Sur le plan ecclésial, les enjeux et les défis sont tout autres. L’automne dernier, le pape François publiait une « exhortation apostolique » sous le titre La joie de l’évangile. Il y pressait les catholiques à s’en montrer les « témoins ». Il leur proposait à cet égard les voies à emprunter, y compris celle de la dimension sociale. On a vu comment sa critique radicale du capitalisme a provoqué une onde de choc dans les milieux conservateurs, en particulier aux États-Unis. Le défi de l’Église du Québec est de trouver dans l’impulsion donnée par François la voie de son renouveau.

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