Les contradictions du ministre Duchesne

Le ministre Pierre Duchesne
Photo: La Presse canadienne (photo) Jacques Boissinot Le ministre Pierre Duchesne

Le 9 décembre dernier, le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Science, de la Recherche et de la Technologie, M. Pierre Duchesne, a annoncé publiquement un réinvestissement massif dans les universités québécoises en promettant une augmentation des subventions versées aux universités de 8,5 % en 2014, soit un ajout de 262 millions de dollars.

 

Rappelons qu’en décembre 2012, le ministre a imposé au réseau universitaire québécois deux années de compressions budgétaires totalisant 246 millions. Pour atténuer les effets pervers de ces compressions, les universités ont dû compresser leurs budgets de 64 millions et répartir le reste à raison de 30 millions par année pendant de cinq à sept ans sans savoir si ces compressions seraient reconduites pour les années futures.

 

Compressions récurrentes

 

En ce qui a trait au maintien de ces compressions, le ministre a déclaré, le 8 février 2013, au quotidien La Presse que les compressions appliquées en 2012-2013 et 2013-2014 ne seraient pas récurrentes. Cette déclaration a été reprise, le 7 décembre dernier dans le journal Le Soleil par son attaché de presse, Joël Bouchard. Pourtant, et étonnamment, la veille, soit le 6 décembre 2013, un haut fonctionnaire du ministère avait informé les vices recteurs aux études des universités québécoises que les compressions seraient récurrentes.

 

Si les compressions dans le réseau universitaire demeuraient récurrentes, cela veut dire que le réinvestissement promis par le ministre Duchesne n’est pas de 262 millions, car il faut y soustraire la compression annuelle de 123 millions et les compressions étalées de 30 millions par année.

 

De plus, il faut déduire du montant résiduel une somme de 73 millions qui n’est qu’une provision pour essentiellement couvrir les augmentations anticipées du nombre d’étudiants dans le réseau universitaire en 2014-2015. Rappelons que les universités sont financées en fonction du nombre d’étudiants par établissement et qu’une augmentation du financement reliée à l’ajout d’étudiants ne constitue pas en soi un nouveau réinvestissement dans le réseau universitaire.

 

En fait, le réinvestissement réel n’est que de 35 millions, ce qui représente un ajout de 1,1 % au budget des universités, et non de 8,5 % comme le prétend le ministre Duchesne. Quand on considère la seule augmentation des coûts de système (par exemple, l’indexation des salaires, le chauffage, etc.), qui est en général supérieure à 55 millions par année, il est difficile de conclure qu’il y aura, en 2014-2015, un réinvestissement significatif dans les universités québécoises…

 

Approche à revoir

 

Vient s’ajouter à ce « réinvestissement » une surprise de taille pour les universités. En effet, les universités devront réserver un montant de 141 millions pour financer une série d’activités additionnelles annoncées lors du Sommet sur l’enseignement supérieur de 2013 et qui devront être précisées et négociées avec le ministre. Les universités ne pourront, dès lors, absorber les compressions récurrentes sans risquer de mettre en péril leur mission. Il s’agit là d’une forme d’intervention du ministre dans la gestion d’une partie des budgets des universités sans, par ailleurs, trop tenir compte du rôle des conseils d’administration de celles-ci et du principe d’autonomie des universités.

 

Dans le contexte actuel, et tenant compte de la bonne foi du ministre Duchesne, il est souhaitable que celui-ci revoie son approche de financement prévue en 2014-2015, car elle n’est pas viable et a des effets pervers sur le fonctionnement et le développement des universités. En fait, les universités sont présentement en attente de décisions gouvernementales plus claires au moment où elles préparent leurs budgets dans le respect des principes de saine gestion des fonds publics.


Éric Bauce - Vice-recteur exécutif et au développement, Université Laval

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