La réplique > Littérature - Oui aux arts et aux lettres

J'entends des gens du monde littéraire et de l’enseignement de la littérature réagir depuis quelques semaines à la modification du titre du programme Arts et lettres. Offert dans la plupart de nos collèges, ce programme porte dorénavant le nom de Culture et communication.


Ce changement n’a rien d’improvisé. Depuis trois ans, beaucoup de personnes et de comités ont planché sur ce programme afin de l’améliorer et d’en préciser le contenu. Le programme Arts et lettres n’avait pas été revu depuis plus d’une décennie. Après de multiples consultations, menées en grande partie par des enseignants en Arts et lettres, le contenu du programme a été enrichi. La maîtrise de la langue est rehaussée et des options sont offertes afin d’approfondir des aspects de la formation de l’étudiant en prévision de son arrivée à l’université. Parmi ces options : les arts, la littérature, le cinéma, les langues, les médias, le théâtre et une option multidisciplinaire.


Ainsi, ce programme collégial en Arts et lettres ne sera plus le programme préuniversitaire comportant le moins grand nombre d’heures d’enseignement. Cela dépréciait sans raison ce champ de connaissances. Il fallait corriger cette triste situation. Nous venons donc d’ajouter 30 heures de formation à ce programme, qui en comptera maintenant plus de 700, à l’instar des autres programmes préuniversitaires.


Dorénavant, un étudiant qui, par exemple, choisira l’option littérature passera plus d’heures en classe à discuter avec son professeur, à analyser des textes littéraires, à développer son sens critique et ses connaissances dans ce domaine. Je vous confirme que le travail qui a été fait par les fonctionnaires du ministère que je dirige a été bien fait, dans un esprit et une relation de respect avec le milieu de l’enseignement et dans une démarche d’entière collaboration avec tous les acteurs concernés.


Un virage idéologique


Malgré cette bonne nouvelle pour les « humanités », plusieurs professeurs et intellectuels considèrent que de substituer au titre de programme Arts et lettres celui de Culture et communication vient annoncer un virage idéologique important. Ce virage n’aurait, selon eux, pour seul but que de marginaliser l’enseignement de la littérature et de larguer tout l’héritage humaniste. En rebaptisant ce programme, l’objectif secret serait donc de jeter aux orties les grands textes d’autrefois, les classiques et la poésie qui n’a pas d’âge, pour ne valoriser que l’instantanéité des communications, le texte court, le texto contemporain. C’est du moins ce que le respecté Jean Larose laissait entendre dans un récent texte.


Ce débat sur le titre d’un programme peut paraître théorique à plusieurs qui ne sont pas du milieu littéraire. Il est en fait symptomatique de ce qui s’est passé au Québec depuis près de dix ans. Dans ce Québec que j’aime profondément, un autre gouvernement a agi sans consulter les forces vives de son milieu. Des enseignants, des étudiants, du personnel de soutien, des administrateurs, des directeurs d’établissement ont fonctionné sans qu’un ministre et un ministère agissent en symbiose avec eux.


Comme élu et maintenant ministre, je ne cesse de poser des gestes pour ramener un renouveau de confiance entre tous les acteurs du milieu de l’enseignement. Le sommet de février dernier en fut un exemple. Je profite donc de ce malentendu pour rappeler que l’arrivée d’un nouveau gouvernement en septembre dernier signifie aussi une nouvelle approche dans la façon de diriger les affaires de l’État. Pour ma part, dans le champ des responsabilités qui m’a été confié par la première ministre Pauline Marois, j’ai l’intention, comme nouveau ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie, de valoriser nos institutions d’enseignement supérieur. Dans le monde d’aujourd’hui, l’enseignement d’une bonne culture générale est plus essentiel que jamais. Nous sommes dans une société de l’éphémère sur le plan de la communication, faisons tout pour que nos collèges et universités, dans leur enseignement, ne le deviennent pas.


Les arts et les lettres font partie du précieux savoir lié aux humanités. Le message doit être clair. Et, de la même manière, l’enseignement obligatoire dans nos collèges doit être maintenu et protégé. Il n’est aucunement dans mon intention de diminuer la place accordée à l’enseignement de la philosophie, du français (littérature), de l’anglais, de l’éducation physique. C’est d’ailleurs dans cet esprit que nous allons bientôt ajouter un cours d’histoire obligatoire.


Ces matières sont les flambeaux qui éclairent le sens critique des étudiants inscrits dans nos collèges. En offrant une solide culture générale tant aux étudiants inscrits en formation préuniversitaire qu’à ceux en formation technique, nous contribuons à former de jeunes adultes plus responsables, généreux et critiques, capables d’avoir une emprise sur leur avenir. De jeunes adultes qui sauront participer aux grands débats et qui repousseront la perspective de la résignation comme seule avenue. De jeunes adultes convaincus de pouvoir participer, au-delà de leur évolution individuelle, au mieux-être collectif. Le Québec, comme toute société moderne axée sur le savoir, a besoin de jeunes esprits ouverts sur le monde et capables de protéger et d’enrichir notre démocratie. Et rien n’est plus vulnérable qu’une démocratie.


Le 4 septembre, un nouveau gouvernement a pris le pouvoir. Je fais partie d’une nouvelle équipe qui écoute son milieu. Substituer Culture et communication à Arts et lettres n’avait pas pour but de dévaloriser ce champ d’enseignement.


Oui, notre société change. À un rythme qui parfois semble effréné. L’éducation, loin d’être isolée d’elle, peut et doit s’y ajuster, mais jamais pour se subordonner à quelque autre impératif que ceux qui président à sa mission, qui est de former des citoyens libres en pensées, justes en actions et égaux en chance.


Tout en maintenant l’ouverture et l’écoute avec lesquelles j’ai abordé et conduit tous les dossiers qui m’ont incombé jusqu’ici, j’ai bon espoir qu’à la lecture de ce texte, vous comprendrez mieux mes décisions.

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