Aide sociale - Des modifications qui nuiront au retour à l’emploi

Le gouvernement semble avoir décidé de changer les règles entourant les prestations d’aide sociale. Il ne s’agirait pas ici d’un choix budgétaire, mais plutôt d’un choix philosophique, d’une décision pour renforcer l’incitation au travail. Il faudrait briser le cycle de l’inaction et de la pauvreté en poussant les plus pauvres vers le marché du travail. Pourtant, nos recherches récentes sur la question montre que l’avenue empruntée par le gouvernement mène à une impasse.
Selon la décision du gouvernement, les prestations pour contraintes temporaires seraient levées pour les personnes âgées de 55 à 57 ans ainsi que pour les familles avec enfant d’âge préscolaire dont les deux parents sont encore ensemble et tous les deux aptes au travail. Un programme pour les toxicomanes sera également révisé afin de limiter le nombre de jours annuellement admissibles pour les prestataires. À partir de juin, ceux-ci seront limités à deux participations pour un total ne dépassant pas 90 jours.
Alors qu’Ottawa s’apprête à resserrer les critères de l’assurance-emploi en nous jurant qu’il ne s’agit que d’une mise à jour pour ajuster le programme à la réalité actuelle, voilà que Québec choisit de réduire les prestations de personnes vieillissantes et de jeunes familles en nous assurant qu’il ne s’agit pas de compressions, bien au contraire. Il s’agirait simplement d’actualiser de vieilles mesures qui ont plus de 30 ans. Ainsi, en augmentant le critère d’âge pour contraintes temporaires, on chercherait à améliorer le taux d’emploi des personnes âgées de 55 ans et des jeunes familles. On apprenait toutefois en parallèle que le Conseil du trésor demandait au ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale des compressions de 19 millions dans sa mission d’aide sociale.
Programme de réinsertion
La ministre Maltais laisse entendre que le resserrement autour des contraintes temporaires sera compensé en partie par des programmes de réinsertion au monde du travail. Elle promet de ne laisser personne glisser dans les mailles du filet, rappelant sa sensibilité aux personnes fragilisées prestataires de l’aide sociale. Selon ce qu’on en comprend, certains prestataires pourront recevoir des suppléments de 195 $ par mois lorsqu’ils participent à des programmes spécifiques, soit un montant supérieur d’environ 70 $ à celui offert présentement pour des contraintes temporaires. Elle promet d’ailleurs que chaque personne touchée par les modifications sera rencontrée personnellement pour évaluer les options adaptées à ses besoins et réalités.
Comment organiser tout cela ? Là-dessus, la confusion règne. Aucune mention n’est faite dans la Gazette officielle de ces nouveaux programmes que le gouvernement souhaite mettre en place. Il est donc impossible pour le moment de connaître les critères d’admissibilité, la durée des prestations ou la forme que prendront ces programmes d’accompagnement, que la ministre appelle « parcours personnalisé ». De plus, les fonctionnaires ne s’accordent pas avec la ministre sur l’imposition de critères de sélection. Pour cette dernière, tout le monde pourra y participer, et pour les fonctionnaires, des critères seront établis. Qui dit vrai ? Il faudra attendre de voir ce fameux programme. En attendant, il n’y a que les coupes qui sont publiques, et celles-ci pourraient avoir des conséquences importantes et contraires aux objectifs du gouvernement.
En octobre dernier, nous avons publié une note socio-économique sur l’aide sociale. À travers cette recherche, nous en sommes venus à constater que des prestations moins généreuses ne font pas diminuer le nombre de prestataires. Au contraire, nous avons constaté que les familles monoparentales étaient le groupe qui recevait les prestations les plus généreuses, mais également celui dans lequel il y avait le meilleur taux de réinsertion à l’emploi.
Les chercheurs qui étudient ces questions et des professionnels du milieu soulignent que les problèmes sociaux et physiques qui accompagnent la faiblesse des prestations ont comme conséquence de maintenir une certaine population dans une situation de pauvreté perpétuelle de laquelle il est difficile de sortir précisément par manque de moyens financiers. Dans la structure actuelle du programme d’aide sociale, il existe une « trappe de la pauvreté » créée par une incitation au travail nulle lorsque les montants gagnés dépassent 200 $. Sur ce plan, les « ajustements » du gouvernement restent muets, alors que d’intéressantes modifications pourraient aisément être apportées. Le gouvernement s’abstient également d’agir sur la prise en compte des pensions alimentaires pour les familles monoparentales. Il y a pourtant unanimité à l’Assemblée nationale pour ne pas amputer ces montants. Simplement avec ces deux mesures, on s’assurerait d’améliorer les conditions de vie des prestataires tout en facilitant le retour au travail.