Au sujet de l'Histoire du Québec pour les nuls - Les femmes ne sont nulle part!

Pauline Marois a marqué l’histoire en devenant première ministre du Québec le 4 septembre 2012.
Photo: La Presse canadienne (photo) Paul Chiasson Pauline Marois a marqué l’histoire en devenant première ministre du Québec le 4 septembre 2012.

Éric Bédard vient de publier sous la marque commerciale « … pour les nuls », à la familière couverture noire et jaune qui évoque vaguement un bottin de téléphone, une Histoire du Québec pour les nuls. L’ouvrage figure déjà au palmarès des best-sellers, en cinquième place, le 13 décembre.


Qu’on se le dise, l’ouvrage est à jour : il évoque dans un encadré l’élection de la première première ministre, Pauline Marois, le 4 septembre dernier. Qu’on se le dise aussi, trente ans d’histoire des femmes n’ont modifié en rien la ligne directrice. Il faut chercher beaucoup pour trouver des informations sur la moitié de la population. On est très loin de la petite place que lui avaient accordée, naguère, Linteau, Durocher et Robert dans leur Histoire du Québec contemporain (Boréal, 1978 et 1985) et encore, les historiennes étaient fort critiques de l’approche adoptée dans le second volume.


Si la bibliographie accorde une petite place à des ouvrages qui traitent d’un aspect ou l’autre de l’histoire des femmes, l’auteur s’est bien gardé de les utiliser. On peut même se demander s’il les a lus. Deux événements seulement ont mérité une place dans la chronologie étroitement politique : la première bachelière au début du siècle (avec une date erronée) et la victoire du vote des femmes en 1940. Quel rôle a joué le mouvement féministe après 1965 ? Impossible de le savoir. Quelles sont les modifications qui ont affecté le marché du travail ? Aucune information. Quelles sont les transformations de l’institution conjugale ? De la révolution éducative ? De l’évolution démographique ? Voilà des questions qui ne figurent absolument pas à l’ordre du jour. Tout comme les transformations de la vie religieuse. Par contre, tous les soubresauts de la question nationale sont soupesés, analysés, et décortiqués. Ce qui fait dire au préfacier que ce récit n’est nullement aseptisé.

 

Trente ans d’histoire


Vingt-six femmes sont mentionnées, les cinq inévitables héroïnes de la Nouvelle-France, cinq reines (forcément européennes), cinq chanteuses (dont Yoko Ono !), la petite Aurore l’enfant martyre et sa MARÂTRE ! On est rendu à 17 ! Il reste neuf places pour les autres. L’auteur trouve le moyen d’oublier Lise Payette dans son index ; elle est pourtant mentionnée deux fois dans l’encadré sur l’épisode des Yvettes, en 1980 (nommé la « gaffe » des Yvettes), encadré dans lequel il reprend l’interprétation paternaliste de l’époque. On se demande pourquoi les chercheuses ont proposé plus de dix analyses différentes sur la question !


Les actions des femmes, semble-t-il, ne sont pas « historiques ». Il n’est pas nécessaire d’en parler. Trente ans d’histoire des femmes, de recherches inédites et inspirantes. Nenni. Pas de place dans ce livre. Dans le fond, depuis qu’elle existe, l’histoire n’a jamais tenu compte de la réalité. Elle a été la création d’une minorité qui a imposé son choix, son interprétation. Ça continue toujours ! Virginia Wolf rappelait : « La plus grande gloire pour une femme est qu’on ne parle pas d’elle, disait Périclès qui était, lui, un des hommes dont on parlait le plus. » Que nous voilà glorieuses ! Éric Bédard n’a pas parlé de nous !

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