Pourquoi le PQ recule-t-il sur la francisation?

Dans le Devoir du lundi 26 novembre, on donnait un compte-rendu d’une entrevue avec Diane De Courcy, nouvelle ministre de l’Immigration et de la Langue française, qui nous apprenait que le Parti québécois allait probablement reculer sur le point du programme obligeant les immigrants à apprendre le français. On mentionne dans l’article qu’environ 12 000 immigrants, sur les près de 50 000 qui s’installent ici chaque année, ne parlent pas un mot de français. C’est un fait, mais il ne faudrait pas oublier tous les autres immigrants qui ont une certaine connaissance de la langue française tout en étant faux débutants ou de niveau intermédiaire, et plusieurs autres qui ont certaines connaissances sans toutefois être ni fluides, ni bilingues, et ayant très souvent un français écrit limité. Maîtriser une langue avec fluidité prend du temps. Ce n’est pas parce qu’on se débrouille en français que l’on n’a pas besoin de francisation. Souvent négligée, la maîtrise du code écrit est essentielle pour de multiples professionnels qui s’installent ici pour recommencer leur vie tout en espérant pouvoir pratiquer leur métier au Québec.
Le programme du Parti québécois promettait de « rendre obligatoires les cours de francisation pour celles et ceux qui n’ont pas une connaissance fonctionnelle du français ». Bref, de permettre aux immigrants un apprentissage adéquat du français. Pourquoi le gouvernement doit-il « réfléchir » à cette question : n’est-ce pas un fait que le français est la langue officielle et qu’il est de son devoir de franciser ceux qui nous joignent ? D’ailleurs, la défense du français et sa promotion sont au coeur du programme péquiste. Me voilà d’ailleurs d’autant plus surprise de constater le manque de sérieux et de volonté de la ministre. Aucun parti ne s’opposerait à une telle mesure nécessaire à la bonne intégration des immigrants. De fait, ce n’est pas la seule chose qui est importante, la langue est primordiale, mais le gouvernement doit aussi investir pour l’intégration en emploi, dans la régionalisation de l’immigration, là où se trouvent, dans certaines régions ciblées, une large panoplie d’emplois, alors que plus de 80 % de nos immigrants s’installent encore à Montréal. Le gouvernement doit aussi s’assurer de la maîtrise des codes culturels communs, car plusieurs de nos immigrants francophones vivaient jusqu’à tout récemment dans des réalités complètement différentes. Présentement, les services nécessaires à l’intégration des immigrants font défaut. La régionalisation, par exemple, ne se fait qu’à petite échelle; la francisation aux adultes n’est pas obligatoire et n’est pas assez financée, et 40 % de nos immigrants ne parlant pas un mot de français ne se franciseront jamais dans nos classes. Comme si cela n’était pas suffisant, nous sommes très loin d’avoir assez de services pour combler les besoins de connaissances du Québec et de son fonctionnement chez nos immigrants : nos classes enseignent le français et pas le Québec.
Je ne comprends donc pas le laxisme dont fait preuve le gouvernement sur ces questions : pourquoi continuer à réfléchir ? Nous savons déjà ce qu’il en est de la réalité : nous devons franciser nos immigrants le plus tôt possible afin de favoriser leur plein épanouissement parmi nous. Je soulève ici un questionnement fondamental : si nous n’avons même pas les moyens de les franciser correctement, ne devrions-nous pas remettre en question nos seuils d’immigration ? Le Parti québécois ne devrait pas tergiverser sur l’obligation des immigrants à se franciser, que ce soit avant leur arrivée, après ou même dans les milieux de travail.
Le PQ a-t-il vraiment peur de se faire renverser sur un enjeu tel que la francisation des immigrants ? C’est une mesure - et un projet - qui fait l’unanimité chez nos partis politiques : personne ne remettrait en question le financement adéquat de nos structures de francisation. Diffuser notre culture et notre langue ne valent-ils pas la dépense ? J’ai lu avec intérêt les plans annuels d’immigration : celui de 2012 (signé par Kathleen Weil du PLQ) et celui de 2013 (signé par Diane De Courcy, du PQ) sont calqués l’un sur l’autre, on y a pratiquement pas apporté de modifications. Pourtant, le PQ est supposé être le parti qui valorise l’intégration des immigrants, leur francisation et leur adhésion à la société québécoise : c’est ce qui est écrit dans son programme. Ce matin, Mme De Courcy, citée dans Le Devoir, indiquait qu’elle devait sonder le terrain et réfléchir ! Le Parti québécois a pourtant eu tout le loisir d’y réfléchir et de le constater durant ses neuf années dans l’opposition.
Il est d’ailleurs surprenant de constater dans le budget de la semaine dernière qu’aucune mesure financière n’a été prévue pour l’intégration linguistique des immigrants. Une francisation adéquate (puisque celle que nous finançons présentement à nos immigrants est insuffisante) aurait un coût considérable : en ne la prévoyant pas au budget, nous pouvons considérer que rien ne sera fait. J’ai voté pour le PQ parce que je croyais qu’il était le seul parti capable de préserver la langue française et intégrer nos immigrants. Je souhaite de tout mon coeur, pour le bien des immigrants que je côtoie tous les jours, que le Parti québécois mette en place les solutions adéquates et le financement nécessaire à la francisation et à l’intégration de tous les nouveaux Québécois.
***
Tania Longpré - Enseignante en francisation aux adultes immigrants.