Sortez vos lolos! Allaiter, c’est glamour!

Photo: Crilaphoto assisté de Sébastien Miran

« On peut être coquette, professionnelle et très occupée, mais allaiter tout de même son enfant ; j’en suis la preuve. » C’est ce que Mahée Paiement dit au magazine La Semaine qui, cette semaine, nous sensibilise aux bienfaits de l’allaitement. Et pour appuyer les propos de la comédienne, une photo de Mahée allaitant. Logique. Et ô combien vendeur.

Mais d’un ridicule tellement ridicule que j’ai dû dire à mon chum : « Chéri, peux-tu t’occuper de la petite une heure ? » Il fallait le faire ! Le chum qui donne le biberon pour que j’écrive un billet… sur l’allaitement.
 
Oui, Mahée, on a toutes l’air de ça quand on allaite ! Il ne manque que quelques « régurgis » sur le tapis, et c’est 100 % réaliste… C’est ce que j’ai d’abord lancé sur Facebook, en partageant ladite photo. Et quelques heures plus tard, près de 200 personnes avaient partagé l’image, partageant ainsi, elles aussi, leur état d’irritation. Il faut dire qu’au final, l’image a également provoqué un nombre important de commentaires ironiques (et foutrement drôles, au moins l’ironie a cet avantage). « Attention ! Il est TRÈS important de soigner sa coiffure et de courir mettre ses talons hauts quand bébé hurle de faim ! », rappelle mon amie Paule. Oui, il faut rire un peu, parce qu’on pourrait pleurer longtemps.
 
On n’a pas fini de se faire parler comme si on était des imbéciles. Le « si » est d’ailleurs ici essentiel, parce qu’on est loin de gober tout ce que les médias aimeraient nous faire gober ; Dieu merci, les médias ont aussi bâti notre esprit critique.
 
Ainsi, les lecteurs peuvent interpréter le message comme ils le désirent. Que veut exprimer la campagne Moi aussi j’allaite ? Qu’allaiter, c’est glamour ? Qu’un verre de lait, c’est bien, mais que deux, c’est mieux (hé hé !) ? Qu’il ne faut pas être gênée de se dénuder en public pour nourrir bébé ? Qu’il est facile d’allaiter et qu’on peut le faire n’importe où, même dans sa loge cinq minutes avant d’entrer en ondes ? « Quand j’ai vu Céline Dion dans un documentaire qui s’apprêtait à donner un spectacle et qui avait demandé si son lait avait été envoyé pour les jumeaux, je me suis dit : Mahée, si Céline est capable, toi aussi. », conclut la comédienne.
 
Peu importe. Cette campagne, malgré ses bonnes intentions, est une insulte. Un manque flagrant de jugement. Les escarpins étaient-ils vraiment nécessaires ?

Pourquoi ne pas avoir créé une image aussi forte, mais plus naturelle ? Pourquoi tout doit-il être glam ? Et surtout, est-ce en sexualisant l’allaitement que l’on va en briser les tabous et rendre son action naturelle aux yeux de tous ?
 
À une heure où presque tous les magazines féminins suggèrent 10 trucs pour rester zen, 10 trucs pour se sentir bien dans sa peau, 10 trucs pour concilier bébé-boulot-lolo, les femmes n’ont pas besoin de cette représentation impraticable du summum de l’idéal féminin actuel. On sait que la pub vend du rêve, mais il y a des limites.
 
Attendez… Ai-je bien dit pub ? Parce qu’il s’agit bien là d’un message de l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, oui, oui, du gouvernement du Québec, avec le petit drapeau fleurs de lys officiel juste en dessous. Et Mahée en est… l’ambassadrice.
 
Titres qui, à mon avis, devraient être porteurs de sensibilité et de responsabilité sociale. « O.K. chéri, tu peux aller te coucher et me ramener la p’tite ! »

Chronique écrite en pieds de bas et en robe de chambre (marque Véro, achetée à L’Aubainerie).

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