Pauline Marois première ministre - Bienvenue aux dames !
Depuis mercredi soir dernier, 4 septembre, on se réjouit d’avoir élu une femme au poste de première ministre. Je suis la première à m’en réjouir, même si je sais que madame Pauline Marois n’a pas de baguette magique pour transformer le monde politique. Mais le symbole est important, essentiel pour que des femmes, jeunes surtout, se projettent dans ce rôle de pouvoir et d’autorité, tout comme elles peuvent le faire dans d’autres images de femmes leaders.
Dans la foulée, on se demande aussi si une femme fera de la politique différemment. Qu’est-ce qu’on entend par « différemment » ? Depuis la publication de mon essai en 2010, c’est la question que je me suis fait poser le plus souvent, et notamment ces derniers jours. On voudrait tellement d’explications simples et qui rassurent, mais les choses sont plus compliquées et subtiles.
Supposons que l’on entend par différemment « mieux ». Que voudrait dire mieux gouverner ? Être plus tranchant, ou plus à l’écoute ? Plus rassembleur, ou plus autoritaire ? Résister aux pressions du privé, ou mieux composer avec elles ? Mille questions peuvent être posées.
« Cheffes » en 2012
Réfléchissons à l’image du chef. Ainsi, on a beaucoup critiqué, pendant la campagne, les hésitations de madame Marois. Celles-ci sont vues comme les signes de faiblesse d’une personne qui ne sait pas ce qu’elle veut. Je passe sur les questions qui lui ont été posées demandant d’expliquer ses idées (sur les référendums d’initiative populaire, le projet de charte de la laïcité, du renforcement de la loi 101, par exemple). Ces questions sont légitimes.
Mais ce qu’il faut mettre en lumière, c’est que révéler ses doutes est une manière de faire de la politique qui rompt totalement avec l’idée qu’on se fait traditionnellement d’un chef. On aime les chefs durs, autoritaires. Pauline Marois ne projette pas cette image, bien qu’elle soit capable de fermeté. Depuis qu’elle est chef du PQ, elle a pris une assurance et une confiance que lui a conférées sa fonction, mais ne se montre pas bornée par l’autoritarisme.
Tout comme Françoise David, autre femme leader, nouvellement députée, qui projette une image inédite. Elle ne « représente » pas la population de Gouin, elle est leur déléguée à l’Assemblée nationale. Même si on a peu vu ce modèle de parti, basé sur le principe de démocratie participative, Québec solidaire a misé sur des valeurs d’aujourd’hui, dont celle de l’égalité des sexes. C’est ce qui émanait de sa participation au débat des chefs, le 19 août dernier, suscitant une vague de sympathie à son égard et, surtout, l’inspiration.
Femmes et Plan Nord
C’est d’ailleurs à ce débat que j’ai mesuré à quel point l’ancienne vision du leadership vacillait, alors que Françoise David interrogeait l’ex-premier ministre Charest sur le Plan Nord. Qu’allez-vous faire pour intégrer les femmes dans ce projet ? a-t-elle demandé en substance. J’ai vu dans les yeux du politicien qu’il n’avait pas du tout pensé à cette question, que le thème des femmes et du Plan Nord, vraiment, était accessoire… Dans son regard, le désert.
Le Plan Nord et les femmes, voilà un sujet qui lui a complètement échappé. Pourtant, les demandes étaient nombreuses ! Des femmes autochtones ont marché de Sept-Îles jusqu’à Montréal pour revendiquer leurs droits ; le Conseil du statut de la femme a publié je ne sais combien de recherches pour évoquer les répercussions de l’économie traditionnelle sur la vie des femmes et promouvoir la fameuse analyse différenciée selon les sexes (outil qui mesure les retombées des décisions économiques et politiques sur les femmes) ; quant aux groupes de femmes réunis dans la Fédération des femmes du Québec, leur document du Groupe des 13 diffusé pendant la campagne résume à peu près toutes les demandes et tous les manques. Bref : comment se fait-il que personne n’a pensé à ces questions ?
En 2012, un Plan Nord qui exige des milliards de dollars d’investissements dans des professions et des infrastructures traditionnellement masculines, voilà qui fait craindre le pire.
Françoise David, lors du débat, paraissait bien loin devant monsieur Charest. Elle abordait des questions fondamentales, comme la trop grande précarité du travail des femmes et le manque de vision sociale du développement du Nord. Elle a les deux pieds dans la réalité. Tout comme madame Marois.
Une loi sur la parité
Que peut-on attendre de Pauline Marois aujourd’hui ? Qu’elle n’oublie pas les aspects si importants de la vie des femmes, des familles, des hommes. Comme elle l’a toujours fait. Depuis leur entrée en politique, les lois issues de la contribution des femmes (dont Pauline Marois) à l’exercice du pouvoir ont tout changé : nous votons, nous pouvons décider d’avoir des enfants ou non, de les garder à la maison ou de travailler et d’avoir accès à des services de garde ; nous bénéficions aussi de lois sanctionnant le harcèlement sexuel, la discrimination selon le sexe, de lois sur le patrimoine familial et sur l’équité salariale. Ces gains ont été obtenus parce que des femmes se sont mêlées de politique.
Aujourd’hui, il faut aller plus loin et dessiner un monde un peu plus à l’image des femmes. Par exemple, le dossier de la conciliation travail-famille (changer le monde du travail, vaste programme !) devrait être entre bonnes mains : avec la nouvelle députation dont 33,6 % sont des femmes, deux féministes comme mesdames Marois et David, les hommes aux valeurs égalitaires qui siègent à l’Assemblée nationale, la table est mise pour aborder les sujets plus lourds tels que celui de la conciliation travail-famille.
Geste symbolique
Mais la première ministre pourrait commencer par un geste symbolique et plein de sens, comme proposer une Loi sur la parité du conseil des ministres. Le gouvernement Charest l’a fait pour les conseils d’administration des sociétés d’État et tout le monde a applaudi. Si on a jugé important de le faire pour les sociétés d’État, pourquoi ne pas instaurer une parité à la base du gouvernement afin de prendre en compte les priorités du point de vue des femmes ? N’est-ce pas là où nous en sommes ?
Je souhaiterais aussi que tous les parlementaires, femmes et hommes, appuient ce projet, pour montrer que, sur la question de l’égalité des sexes, la partisanerie n’a pas lieu d’être. Les députées de l’Assemblée nationale l’ont déjà démontré pour la Loi sur l’équi- té salariale et la Loi sur le patrimoine familial.
En 2012, il serait temps d’oser exiger la parité. Quoi qu’on en dise, cela changerait sinon le monde, du moins le monde politique.
Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées en accueillant autant les analyses et commentaires de ses lecteurs que ceux de penseurs et experts d’ici et d’ailleurs. Envie d’y prendre part? Soumettez votre texte à l’adresse opinion@ledevoir.com. Juste envie d’en lire plus? Abonnez-vous à notre Courrier des idées.