Bulletin de la prospérité du Québec - Un outil à parfaire
J'ai pris connaissance avec beaucoup d'intérêt des articles qui sont parus récemment dans vos pages à propos de la publication de la deuxième édition du Bulletin de la prospérité du Québec par le Conseil du patronat du Québec [un éditorial de Jean-Robert Sansfaçon et une chronique de Gérard Bérubé]. Je me réjouis d'abord que notre étude suscite autant de réactions chez vous. Qu'elle provoque un échange de vues, essentiel à mes yeux, sur les moyens de créer une plus grande prospérité au Québec constitue déjà un résultat des plus appréciables.
Vos commentaires me donnent aussi l'occasion de préciser le champ d'application de ce Bulletin, qui se veut surtout un outil permettant d'évaluer, au fil des ans, les progrès du Québec par rapport à cinq déterminants fondamentaux de la création de richesse et de la prospérité économique. Comme nous le précisons dans l'introduction du document: «Le Conseil du patronat a choisi les indicateurs utilisés dans ce Bulletin en fonction de critères qui focalisent sur les déterminants de la prospérité plutôt que sur les résultats, en remontant la chaîne de causalité aussi loin que le permet la disponibilité des données.»Nous pensons qu'il faut agir en particulier sur les déterminants de la prospérité — comme la disponibilité d'une main-d'oeuvre compétente ou la création d'un environnement d'affaires optimal — et c'est pourquoi il est pertinent de les mesurer d'année en année. Le niveau de croissance ou le niveau d'emploi sont, quant à eux, des résultats tributaires de plusieurs de ces déterminants.
Une notion qui a plus d'un sens
Pour accéder à une prospérité durable, il est impératif d'agir sur les éléments fondamentaux de l'économie sans se laisser distraire par les sursauts sporadiques qui peuvent survenir au cours d'une période donnée. Ainsi, comme nous le précisons encore dans notre document, malgré la bonne performance récente de notre province, qui a mieux passé à travers la récession que plusieurs autres États et qui a créé davantage d'emplois qu'elle n'en a perdu au cours de cette période (en grande partie, selon nous, à cause des investissements conjoncturels, massifs et urgents que le Québec a dû effectuer dans ses infrastructures routières), la performance économique du Québec, comparée à celle d'autres provinces canadiennes ou d'autres États à travers le monde, laisse à désirer. C'est sur cette performance à long terme qu'il faut se focaliser.
Vos réactions confirment qu'il y a plus d'un sens à la notion de «prospérité».
Nous ne nous opposons pas à la définition de prospérité — de nature plus sociale — adoptée par Le Devoir et plusieurs autres acteurs sociaux au Québec qui correspond principalement, me semble-t-il, à la première partie de la définition du mot qui nous est fournie par Le Petit Robert et qui dit: «État heureux, situation favorable d'une personne quant au physique (voir bien-être, santé), à la fortune (voir fortune, richesse, succès) et aux agréments qui en découlent (voir bonheur, félicité) [...]»
Nous pensons cependant qu'il n'appartient pas au Conseil du patronat du Québec — représentant des employeurs comme vous le rappelez justement — de mesurer l'indice de bonheur ou la qualité de vie des Québécois. Nous croyons que notre rôle consiste davantage à fournir des références sur le cheminement économique du Québec. À cet égard, nous nous inscrivons résolument dans la foulée de la seconde partie, tout aussi légitime, de cette définition qui stipule: État d'abondance, augmentation des richesses (d'une collectivité, d'une entreprise) [...] Progrès dans le domaine économique (voir activité, développement, essor).
Créer la richesse
Vous n'êtes pas sans savoir que notre prémisse est que plus une société favorise la création et la croissance de ses entreprises, plus elle favorise du fait même la création d'emplois, la création de richesse et la hausse du niveau de vie de ses citoyens. Nous sommes persuadés d'ailleurs qu'un bon nombre de nos concitoyens — peut-être pas encore suffisamment — partagent cette conviction.
À titre de Québécois, nous sommes, comme vous, résolument en faveur d'une juste répartition de la richesse. Toutefois, il importe impérativement de créer cette richesse, sans quoi nous n'aurons que dettes et pauvreté en partage.
Je pense que les comparaisons économiques effectuées dans le Bulletin de la prospérité nous permettent aussi d'éviter la tentation de la complaisance, piège dans lequel nous pouvons facilement tomber lorsque nous ne nous mesurons qu'à l'aune de notre propre histoire ainsi que nos aspirations de bien-être et d'égalité sociale. Vouloir à juste titre le bien de tous ne doit pas nous aveugler devant les défis majeurs que nous avons à relever.
Le déclin démographique qui s'amorce exigera, par exemple, des réformes en profondeur si le Québec souhaite maintenir son niveau de vie, de même que les programmes sociaux chers à ses citoyens. Dans un contexte de vieillissement démographique et de finances publiques serrées, la création de la richesse est aussi une priorité absolue, et la seule stratégie qui s'offre au Québec pour offrir à sa population la prospérité durable à laquelle elle aspire.
Comme nous l'avons fait dans la préparation de cette deuxième édition, nous analyserons soigneusement les commentaires reçus et nous apporterons, dans la mesure du possible, des améliorations aux prochaines éditions du Bulletin de la prospérité du Québec, un outil certainement perfectible. Je vous en prie, continuez à nous écrire!
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Yves-Thomas Dorval, président du Conseil du patronat du Québec