Onde de choc au Parti québécois - «Mon seuil de tolérance éthique personnel a été atteint»
Nous publions les textes lus hier par les députés Lisette Lapointe, Louise Beaudoin et Pierre Curzi au moment d'annoncer leur démission du Parti québécois.
Je quitte le Parti québécois par respect pour mes convictions personnelles, par respect pour mes collègues, par respect pour les militants et par respect pour les citoyens de ma circonscription. Je serai jusqu'à la fin de mon mandat député souverainiste indépendant de Borduas.Un parti politique doit avoir une chef ou un chef qui doit avoir un programme qui dicte la ligne du parti et qui guide ou guidera l'exercice de son pouvoir. Les membres d'un caucus doivent en être solidaires, à moins que cette solidarité ne heurte les principes fondamentaux de leur engagement politique, ce qui se produit rarement.
Le programme électoral, la ligne de parti et les décisions gouvernementales doivent être le résultat d'études, de discussions et d'un consensus. La chef a le privilège de trancher et d'exiger la solidarité. Dans un parti, quelquefois, votre point de vue l'emporte. D'autres fois, vous acceptez que votre point de vue soit battu. À la longue, un équilibre s'établit. Dans le cas du projet de loi privé no 204, parrainé par Mme Agnès Maltais, la décision a été prise par la chef sans consultation aucune du caucus, sinon de ses proches collaborateurs. C'est son privilège. Cependant, cette décision va à l'encontre d'un principe fondamental de la vie démocratique qui permet à tout citoyen de contester, y compris devant les tribunaux, une décision gouvernementale.
Des circonstances exceptionnelles
À mes yeux, ce droit à contester juridiquement une décision gouvernementale peut être retiré, peut être aliéné seulement dans des circonstances exceptionnelles comme une menace à la sécurité du pays ou au bien-être de la population. Ce n'est manifestement pas le cas dans le projet de loi privé no 204. Devant une telle situation, vous devez alors choisir de rester solidairement ou de partir.
Je choisis de partir devant l'incapacité que j'ai à m'associer à une proposition qui prive les citoyens du droit plein et entier d'exercer leurs responsabilités civiques et juridiques. Pour reprendre une expression que j'ai déjà utilisée ailleurs, je ne pourrais pas personnellement me regarder sereinement dans le miroir. Mon seuil de tolérance éthique personnel a été atteint. Je respecte mes collègues parlementaires qui pensent autrement.
Partisanerie et opportunisme
Je porte à un degré élevé la vie démocratique dans ce qu'elle a de plus significatif, c'est-à-dire la participation libre et entière des citoyens à la construction de leur société. Ce récent épisode de notre vie parlementaire a heurté de front cette valeur première et est un puissant révélateur de la distance qui s'est installée entre les partis politiques du Québec et les citoyens. Je pense que cela est en grande partie dû à ce que les partis politiques, notamment dans le cadre d'un bipartisme sclérosant, placent trop souvent leurs intérêts partisans et opportuns avant les intérêts de citoyens et de citoyennes.
Après quatre années au Parti québécois au cours desquelles j'ai porté certains dossiers, dont la langue et la citoyenneté, je quitte [le Parti québécois] sans joie. Les citoyens doivent reprendre en main leurs institutions démocratiques. Je veux désormais consacrer mon engagement politique à contribuer librement et sans rancoeur aucune à cette reprise en main. Voilà.
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Pierre Curzi - Député de Borduas
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