Ah ciel! Cinquante ans d'exploration spatiale habitée

Depuis des temps immémoriaux, ce qui se passe au-dessus de nos têtes nous intrigue et nous inspire. Pourquoi le ciel est-il bleu? Qu'est-ce qui cause les orages? De quoi sont faites les étoiles? Y a-t-il de la vie ailleurs que sur Terre?
C'est bien connu, les secrets de la voûte céleste nous ont toujours fascinés et nous sommes bien loin d'avoir tout découvert. Au cours des siècles, nos ancêtres ont passé bien des nuits «blanches» (on devrait plutôt dire des nuits «noires» dans leur cas) à scruter le firmament en s'interrogeant sur sa nature et sa composition. Ils ont vainement spéculé sur son origine, l'ont doté de pouvoirs et lui ont attribué mille et un torts, mais d'une manière plus systématique, ils ont aussi cherché à en comprendre le fonctionnement. Ils ont regroupé les étoiles en constellation (une pure invention) et nommé les planètes du nom de leurs dieux, puis ils ont défini les saisons et répertorié les phénomènes météorologiques.Petit à petit, ils ont élaboré des théories et émis des hypothèses qui leur ont permis de comprendre certains mécanismes de base du mouvement astral, ce qui leur fut bien utile sur Terre pour prédire entre autres le temps des récoltes. Hélas, les grands penseurs de l'Antiquité n'avaient pas les instruments ni les assises scientifiques, ni malheureusement les moyens mécaniques d'aller voir de plus près.
Avec l'avènement de la lunette astronomique et l'élaboration des premières grandes théories gravitationnelles du XVIIe siècle, une nouvelle ère de savoir s'est ouverte, et les observateurs célestes de l'époque se sont mis à mieux y voir, donc à mieux comprendre. Inexorablement, une découverte après l'autre, ils se sont rapprochés du moment où nous pourrions enfin nous envoler dans le ciel et prétendre pouvoir toucher aux étoiles.
Il fallut pourtant attendre le début du XXe siècle pour réussir à s'extirper un tant soit peu de la gravité terrestre. D'abord en ballon, en dirigeable puis finalement en avion, nous avons finalement réussi à voler de nos propres ailes. Nous en rêvions depuis des millénaires! Les possibilités qu'ouvraient l'aviation et la beauté du sol vu des airs nous ont emballés et nous sommes partis pour la gloire, comme on dit par chez nous. Cent ans à peine après le premier vol d'un aéronef motorisé en 1903, les choses se sont grandement accélérées: avions passagers, avions personnels, gros transporteurs, planeurs, hélicoptères, hydravions, chasseurs, sondes météorologiques, nous sont tous hautement familiers. Mais tous ces engins aéronautiques, comme le nom l'indique, sont confinés à la stratosphère, là où l'air est suffisamment dense pour soutenir les ailes et alimenter les moteurs. Cela nous a pris encore un autre demi-siècle pour franchir cette autre frontière mythique où règne le vide intersidéral: l'espace.
Vostok 1
Il y a 50 ans, le 12 avril 1961, Yuri Gagarine, montait à bord de la fusée Vostok 1 et devenait le tout premier être humain à effectuer un vol dans l'espace, passant à l'histoire et ouvrant l'ère de l'exploration spatiale habitée.
Depuis, une multitude d'innovations technologiques récentes ont permis aux astronomes de se doter d'instruments leur permettant de scruter le ciel bien au-delà de notre système solaire. Nous savons aujourd'hui que nous ne sommes qu'un grain de sable dans l'immensité de l'Univers qui nous entoure. Mais d'un point de vue plus humain, en nous propulsant en orbite pour la première fois de notre histoire, nous nous sommes offert une plateforme d'observation inégalée.
La Terre, notre planète, est absolument magnifique vue de l'espace. On y voit une myriade de bleus, de blancs, de continents et d'océans. Telle une bille de marbre sur fond d'infini, la Terre apparaît aux astronautes comme le havre aux marins d'antan. C'est le vaisseau spatial de l'humanité. Précaire et solide à la fois. Riche, immuable, et absolument unique dans sa capacité à soutenir la vie. Quand on la voit de haut, on ne peut s'empêcher de vouloir la protéger.
À l'aube du XXIe siècle, les possibilités sont infinies et les questions restent nombreuses. Il ne faut pas s'illusionner. Les cinq dernières décennies depuis le premier vol d'un jeune pilote russe ne représentent qu'une infime portion de la longue et incessante quête de la connaissance humaine. Nous faisons partie de la toute première génération d'explorateurs de l'espace, accomplissant un rêve que caressaient nos ancêtres depuis la nuit des temps. Et ça ne fait que commencer... Ad Astra!
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Julie Payette - Astronaute