Centraide doit corriger une mauvaise décision

Centraide revoit ses priorités de financement et annonce qu'il recentrera ses actions vers des organismes qui travaillent avec les gens pauvres: cela l'amènera donc à couper les vivres à cinq organismes dont il appuyait la mission et les actions depuis plusieurs années. Je suis choquée et révoltée par cette nouvelle.

Choquée, parce qu'en 2004, j'ai reçu un diagnostic de cancer du poumon, annonce qui jette une chape de révolte et d'impuissance sur qui le reçoit. Je venais d'avoir 45 ans, j'étais active, investie, mère et conjointe, amie et compagne de travail. Tout à coup, ma vie ne m'apparaissait plus qu'incertaine et floue: l'Organisation multiressources pour les personnes atteintes de cancer et leurs proches (OMPAC) a été parmi les rares ressources qui m'ont aidée à traverser cette épreuve.

Choquée parce qu'il y a dans la décision de Centraide quelque chose qui me blesse profondément, qui touche à mon histoire et qui m'indigne, moi et fort probablement les compagnes et compagnons dont j'ai croisé la route pendant cette période. Cette nouvelle, je l'ai reçue comme un message d'abandon de la communauté, une décision administrative qui heurte le jugement et me fait l'effet d'une douche froide.

Le poids de la mission

L'angoisse et le désarroi font partie du quotidien de beaucoup de personnes malades. L'OMPAC est dans ce contexte une ressource essentielle et une fenêtre ouverte sur des possibles. J'y ai rencontré des personnes comme moi et différentes de moi, provenant de tous les milieux, avec toutes sortes de diagnostics et d'histoires personnelles. Chacun avait besoin d'exprimer, de partager et d'être accompagné à sa façon dans ce périple qu'est la traversée du quotidien avec le cancer.

Il est outrageant qu'on en arrive à se questionner sur la nécessité de financer collectivement un tel projet. Cette seule mission — être une ressource s'adressant aux personnes atteintes du cancer et à leurs proches — devrait être suffisante pour décider de maintenir les subventions à un tel organisme.

L'accompagnement, le soutien et l'écoute sont indispensables pour qui vit avec une telle maladie. Cette condition amène les personnes à se questionner, à vivre de la solitude, de la détresse et peut-être de la dépression... Les démarches, les traitements, les contacts fréquents et parfois ardus avec le personnel hospitalier ainsi que les difficultés rencontrées dans le système de santé font aussi partie du lot.

L'OMPAC accompagne, met les personnes en situation de soutien mutuel, répond à nos questions et nous encourage sans juger. On est une personne malade, oui, mais une personne qui a d'abord une vie, des droits, des besoins, des espoirs, une histoire et des ressources à explorer et à mettre en oeuvre pour faire face à la maladie, quelle que soit l'issue de celle-ci.

L'OMPAC est un peu un milieu de vie où les échanges avec d'autres sont encouragés sans la crainte de déranger parce que l'on parle maladie. On peut participer à la vie de l'organisme dans la mesure de nos capacités et de nos habilités, se réaliser à travers divers projets ou activités et si on le souhaite, s'engager dans la vie associative de l'organisme. L'OMPAC a également mis en place la ligne Info droits pour les personnes atteintes et leurs proches, organise des conférences ainsi que des formations et a mis sur pied des groupes d'entraide par téléconférence pour ceux et celles qui ne peuvent se déplacer ou qui ne résident pas dans la région montréalaise.

Privée de budget

Déjà, sans même l'annonce de telles coupes, les organisations financées par Centraide doivent déployer nombre d'efforts pour justifier leurs besoins de financement. Maintenant qu'une décision administrative privera d'une part importante de son budget un organisme comme l'OMPAC, qui répondra à la demande de soutien et d'entraide de gens atteints du cancer à Montréal? D'ailleurs, combien de gens seront atteints de cette maladie dans les prochaines années? Qui les épaulera, les accueillera, répondra à leurs questions, écoutera leurs angoisses et inquiétudes? Le système de santé officiel? Celui-ci suffit à peine à la demande et ne répond qu'à une partie des besoins.

La personne malade est plus qu'un être dont le corps est souffrant. C'est tout l'environnement de cette personne qui est touché.

L'OMPAC est née du besoin de personnes atteintes d'un cancer de se donner des moyens de passer au travers de la maladie en dehors du système hospitalier. L'approche humaniste qu'OMPAC s'applique à développer et à mettre de l'avant vise une prise en charge individuelle et collective de la personne. Une telle mission est essentielle puisqu'elle complète le modèle médical, qui ne peut pas répondre à tous les besoins. En fait, la décision de Centraide va à l'encontre de diverses approches de santé qui démontrent l'utilité certaine de tous les apports de la communauté au maintien d'une certaine qualité de vie.

Rappelons aussi que cette décision vient retirer une part importante du financement à l'unique ressource communautaire montréalaise venant en aide aux personnes atteintes de cancer, quel qu'en soit le type. J'insiste sur ce point parce que de telles ressources sont pour ainsi dire inexistantes, ce qui laisse les personnes souffrant de cancers rares, ou dits orphelins, dans le vide quant au soutien communautaire.

Aussi, je demande à Centraide de réviser sa décision et d'évaluer l'impact réel d'une telle décision pour des personnes qui souffrent mentalement et physiquement d'un tel diagnostic. Mis à part les lignes d'écoute téléphonique et les quelques services implantés par le milieu hospitalier et le milieu médical, qui entendra la détresse des personnes atteintes de cancer et celle de leurs proches?

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