Les parents, des cibles faciles à nommer et à malmener

Dans la très grande majorité des cas, les parents ont un grand désir de réussir dans leur engagement parental même si celui-ci est parsemé de défis de plus en plus nombreux et difficiles à relever.
Photo: Annik MH de Carufel - Le Devoir Dans la très grande majorité des cas, les parents ont un grand désir de réussir dans leur engagement parental même si celui-ci est parsemé de défis de plus en plus nombreux et difficiles à relever.

Notre premier ministre Jean Charest a fait une déclaration assez choquante ces derniers jours en ciblant les parents comme les principaux responsables du décrochage scolaire de leurs enfants. Comme le veut le proverbe, «il voit la paille dans l'œil du voisin, mais ne voit pas la poutre dans le sien»...

On peut penser qu'en agissant ainsi, il vient tout simplement protéger les instances scolaires et surtout se prémunir contre toute demande de nouvel investissement. Ce gouvernement affirme que la persévérance scolaire est l'affaire de tous, mais, en définitive, quand les résultats attendus ne sont pas au rendez-vous, il choisit de blâmer les parents. Il est certain qu'on ne peut contester que les enfants sont sous la responsabilité des parents et que ceux-ci ont des devoirs à leur égard... Dans les faits, cela ressemble un peu aux responsabilités d'un premier ministre à l'égard de ses commettants, à la seule différence que les parents, eux, sont certains d'être élus à vie!

Loupe des spécialistes


Le rôle parental s'est énormément complexifié au cours des trente dernières années. Les interventions d'acteurs professionnels dans l'éducation des enfants se multiplient à un rythme tel que certains parents ne savent plus ce qui relève de leur responsabilité ou de celle des nombreux spécialistes qui entourent leur progéniture pour, cela semble le voeu de tous, les conduire vers la réussite éducative.

Jamais le rôle parental n'a été autant exposé à la loupe des spécialistes. On le décortique, on le soupèse, on l'analyse, mais rarement on le soutient. Dans la très grande majorité des cas, les parents ont un grand désir de réussir dans leur engagement parental même si celui-ci est parsemé de défis de plus en plus nombreux et difficiles à relever. En contrepartie, les critiques qu'ils reçoivent régulièrement les étiquettent comme étant incompétents et irresponsables.

On les qualifie aisément de décrocheurs en regard de leurs responsabilités parentales, et certains vont jusqu'à dire qu'ils nuisent à leurs enfants plus qu'ils ne les aident. J'ose à peine mentionner qu'il y a aussi les âmes dites charitables qui s'approprient les responsabilités parentales pour se donner bonne conscience en prenant elles-mêmes à charge les enfants, contribuant ainsi à déresponsabiliser les parents. Quelle fierté y a-t-il à être parent devant tous ces messages négatifs?

Être à la hauteur

Dès la naissance des enfants, leur avenir est envisagé selon l'objectif d'en faire des acteurs importants et efficaces sur le plan économique. La vision de la vie qu'on leur offre se réduit de plus en plus à être un jour des travailleurs qui porteront la responsabilité de soutenir une population vieillissante et qui leur coûtera très cher. Il faut donc qu'ils soient performants.

Quel plaisir y a-t-il à vivre dans une société où tout tourne autour d'un seul pôle, le travail? Quel intérêt y a-t-il à étudier lorsqu'on sait qu'économiquement l'avenir est bouché? Quels projets leur sont offerts pour qu'ils expérimentent la réussite humaine et sociale qui donne un sens aux études, au travail, à la vie? On dit d'eux qu'ils sont trop individualistes pour participer à de tels projets, mais leur en propose-t-on vraiment?

Qu'attendons-nous des parents dans notre société et que mettons-nous en place pour qu'ils soient à la hauteur des attentes? Depuis de nombreuses années, nous avons revendiqué comme société que celle-ci nous soutienne pour que la conciliation travail-famille se fasse le plus harmonieusement possible. Nous nous sommes dotés de programmes de services de garde éducatifs de qualité, nous avons mis en place un régime d'assurance parentale génial et qui fait l'envie de tous.

Le point que nous avons négligé est celui qui rapporte le plus et qui coûte probablement le moins cher: investir en prévention pour soutenir les parents afin que l'expérience de la parentalité soit vécue d'une façon positive et enrichissante. On ne parle pas ici des familles aux prises avec des problèmes lourds, tels que la négligence et la violence, car elles sont prises en charge par l'État, mais bien de toutes les autres, qui rencontrent des défis importants au fil de leurs parcours de vie et qui n'ont pas accès à des ressources pour les aider à les dépasser.

Entraide

Il existe au Québec un réseau de 272 organismes communautaires famille, qui couvrent l'ensemble des régions de la province et dont la mission première est d'apporter un soutien au rôle parental. Historiquement déjà peu soutenus, ces organismes voient leurs conditions d'actions se détériorer depuis des années, à tel point que nous remarquons de plus en plus d'abolitions d'activités, de réductions du temps d'ouverture et de parents laissés à eux-mêmes.

Mises en place par les parents, ces instances représentent des lieux d'entraide, de réflexion et de services leur permettant de revalider constamment que la vie de famille est, la plupart du temps, une source de plaisir. La responsabilité d'accompagner les enfants vers la réussite globale dans ce qu'ils sont, ce qu'ils font et vers ce à quoi ils aspirent doit être un travail collectif et un enjeu de société. Les parents sont à l'image de la société actuelle, chacun devant porter seul ses problèmes alors que les réussites, elles, appartiennent à tout le monde.

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