Hécatombe sur les routes
Quatre personnes tuées sur la route cette fin de semaine à Drummondville. Avec les familles et leurs amis, je suis catastrophé. Mais aussi indigné. Je dirai même révolté. Car ces morts auraient probablement pu être évitées n'eut été de l'inaction du ministère des Transports et de la Société de l'assurance automobile qui, depuis des années, cédant à de puissants lobbys, dont ceux du camionnage et de la police, refusent de mettre en place des outils technologiques dont l'efficacité à réduire de moitié le nombre de tués sur les routes a largement été démontrée.
Faudra-t-il attendre les prochaines hécatombes pour se secouer et passer des paroles à l'action? Faudra-t-il continuer à accepter ces quelque 700 tués annuellement sans adopter certains moyens correctifs connus et éprouvés?Trop chère cette technologie des radars photo-ciné, dira-t-on? Ridicule objection. L'effondrement du seul viaduc de la Concorde emportant quelques vies n'a-t-il pas déclenché une explosion des analyses et corrections au réseau routier? Presque 5 milliards de dollars par année et c'est loin d'être terminé. Personne ne conteste.
Efficacité non démontrée? Au contraire, examinons les statistiques de plusieurs pays où ces technologies ont permis de diminuer immédiatement de moitié le nombre annuel de tués sur les routes. Observons en particulier la situation en France, où cette coupe de moitié a rapidement été atteinte et où on continue d'investir pour réduire encore de 25 % les hécatombes, augmentant constamment le nombre et la sophistication d'instruments au travail 24 heures sur 24 et en des milliers de points de contrôle.
Arguments sans valeur
Technologie trop complexe? Naïve objection. Déjà, quelque 200 caméras de circulation du ministère surveillent les points chauds de la circulation, surtout à Québec et à Montréal. On n'a qu'à cliquer sur «ministère des Transports» pour apercevoir sur votre écran, en temps réel, l'état de la circulation aux endroits choisis.
Protection de la vie privée? Argument sans valeur. Il est connu que chaque personne est vue et enregistrée en moyenne des dizaines de fois par jour par de multiples caméras privées et publiques de surveillance. Et personne ne s'en émeut. Une anecdote? Récemment, un membre de ma famille a permis à la police de rattraper et d'arrêter en quelques heures les trois cambrioleurs qui avaient fait irruption dans son commerce (doté depuis des années d'une simple caméra de magnétoscope à boucle).
Peur de puissants lobbys? Oui, du camionnage et de la police en particulier. Curieuse coïncidence, voyez mon expérience d'une récente traversée du parc des Laurentides. À deux reprises, j'ai tremblé pour ma sécurité. La première, alors qu'à peine monté sur l'autoroute je me suis buté brusquement à une voiture de police immobilisée (ayant apparemment intercepté un automobiliste fautif). Ne pouvant m'arrêter, j'ai dû faire une manoeuvre rapide et risquée pour me glisser dans la voie de gauche déjà surchargée. Sueurs froides! Seconde expérience. Alors que je roulais à la vitesse affichée de 70 km/h dans une zone de chantier dans le Parc, j'ai été talonné à quelques mètres par un monstre de camion dont les appels de phare et le klaxon m'ordonnaient de disparaître ou d'accélérer. La crainte d'être enfoncé m'a fait opter pour une progressive et très attentive augmentation de vitesse jusqu'à 90 km/h, illégale bien sûr, jusqu'à la sortie de l'étroit couloir à une seule voie des 11 kilomètres du chantier. Re-sueurs froides!
Loin du nombre
On sait que l'alcool réduit l'acuité perceptive et motrice. Un conducteur éméché à la conduite erratique serait rapidement détecté et sanctionné par un radar ciné. De plus, on ne dit jamais qu'une faible dose l'alcool a un effet psychologique trompeur et pernicieux, soit celui de réduire les inhibitions, de stimuler la parole et de laisser croire qu'on est en meilleur contrôle de situation. D'où certaines audaces, comme peut-être à Drummondville, qui peuvent avoir des conséquences fatales. Une forte probabilité d'être filmé et sanctionné, et la crainte qui en découle, favoriseraient une salutaire retenue.
Instruire la population, inciter à la prudence, augmenter la surveillance policière, améliorer la signalisation et l'état des routes? D'accord, bien sûr. Et on le fait, il faut s'en réjouir, de façon observable depuis quelque temps. Mais les statistiques ne font que légèrement s'améliorer. Sans doute pour seulement endormir et laisser croire que c'est tout ce qu'il est possible de faire. D'où des résultats fragiles se situant bien en deçà des fluctuations attribuables aux conditions météo et autres facteurs aléatoires. On est très loin des diminutions de moitié, fermes et confirmées ailleurs, du nombre de morts sur les routes.