France-Québec - Une relation d'exception et de passion

Je termine mon mandat de délégué général à Paris après cinq ans qui ont vu la relation France-Québec atteindre de nouveaux sommets et devenir une relation d'exception, originale, approfondie, mature et centrale dans la promotion des intérêts du Québec sur la scène internationale. Une relation moderne, intense, tournée vers l'avenir et dont les ambitions demeurent élevées.

Je pars avec le sentiment bien sincère de mission accomplie. Contrairement à ce que soutient Christian Rioux dans une chronique publiée le 24 septembre dernier dans Le Devoir, un ancien ambassadeur canadien peut défendre efficacement les intérêts du Québec. Qu'on pense à Jean Chapdelaine et à Claude Roquet. Pour ma part, j'estime que mon bilan a largement contribué au développement des relations France-Québec.

Lors de mon arrivée à Paris, j'ai mis à la disposition du Québec 38 ans de vie diplomatique. J'y ai mis mon coeur. J'y ai mis mon âme. Ce dévouement à la cause des intérêts du Québec ne date pas d'hier. Tout jeune, j'ai compris les forces et potentialités du Québec au plan international, son apport distinct, sa vision globale, son combat pour la langue française et la diversité culturelle, son nord-américanisme en matière de gestion et de technologies, son audace dans ses engagements, y compris au sein de la Francophonie internationale.

En servant presque toujours dans des capitales francophones, j'ai par définition défendu les intérêts du Québec avec vigueur et engagement. Mon évolution personnelle s'est, au fil des années, épanouie et affirmée avec le militantisme qui a toujours caractérisé mon action diplomatique. De nombreuses personnalités de tous les milieux peuvent en témoigner. Ils m'ont connu et vu à l'oeuvre.

Ma nomination à Paris marquait pour moi un long cheminement. Une étape essentielle suprême. Un rêve! Celui de servir exclusivement et en français le Québec et, de surcroît, dans sa plus importante représentation dans le monde. Ce n'est pas un hasard de carrière, une étape comme une autre. C'est pour moi un aboutissement auquel j'aspirais au plus profond de moi-même. J'en suis fier et je remercie le premier ministre Jean Charest de m'avoir permis de le réaliser. Mes ambitions étaient claires. J'ai toujours été porté par la volonté de servir le Québec. Toute ma trajectoire diplomatique visait cet accomplissement.

Lors de ce mandat à Paris, j'ai donné beaucoup de moi-même, avec dynamisme et engagement. Ce furent des années exaltantes et passionnantes. J'estime que le bilan est largement positif.

J'ai contribué à renforcer la proximité politique franco-québécoise à un niveau jamais égalé (huit visites du premier ministre Charest, deux visites de chefs de l'opposition, près d'une centaine de visites ministérielles dans les deux sens). La visite du président Sarkozy à Québec seulement, en octobre 2008, était une première diplomatique à forte portée symbolique. J'ai donné une réelle impulsion à nos relations économiques avec la création du Club des dirigeants d'entreprises et le renforcement des liens entre les pôles de compétitivité français et les créneaux d'excellence québécois. Ce nouvel essor économique a permis de rééquilibrer nos rapports au profit de la prospérité du Québec.

La coopération décentralisée a pris une nouvelle envergure et reflète cette modernisation dans la relation que j'ai voulu imprimer. Pour moi, il est essentiel que cette relation occupe le maximum d'espace en France, au-delà des liens gouvernementaux. Elle s'enracine aussi au niveau des régions et surtout des peuples avec le soutien constant que nous avons donné à l'Association France-Québec. Sans la participation active de la société civile, nos rapports n'auraient pas la même force et le même profil.

Mobilité professionnelle

Constatant à mes débuts à Paris les obstacles qui freinaient la mobilité humaine, je me suis fortement investi dans le dossier des ententes sur la reconnaissance des qualifications professionnelles conclues avec la France. Il s'agit là d'un développement majeur dans nos relations au cours des vingt dernières années. Ce pont transatlantique, en faveur de la mobilité professionnelle, va servir en priorité les intérêts du Québec qui a un besoin urgent et en grand nombre de travailleurs qualifiés.

Nous avons également réformé les dispositifs de notre coopération universitaire. Des milliers d'étudiants français fréquentent maintenant nos établissements d'enseignement, preuve que le savoir académique québécois est de qualité exceptionnelle. C'est un autre secteur que j'ai actualisé et renforcé.

Si le Québec est devenu, pour reprendre le mot de Jean-Pierre Raffarin, un «laboratoire d'idées» pour la France, c'est aussi parce que j'ai intensifié nos liens sectoriels en matière d'environnement, de santé, d'immigration, d'emploi et d'intégration, de modernisation de l'État.

Nos démarches diplomatiques au plus haut niveau nous ont permis d'obtenir l'appui de la France dans de nombreux dossiers majeurs. Sans Paris, nous n'aurions probablement pas pu rallier les autres capitales européennes à la négociation d'un accord économique, nouvelle génération, Canada-Europe. Le premier ministre François Fillon nous a appuyés spontanément et ouvertement dans nos revendications concernant le rôle des États fédérés dans les négociations environnementales internationales.

Si, par ailleurs, le 400e anniversaire de Québec a été un franc succès et a suscité une mobilisation d'envergure en France, c'est que nous avons conjugué nos efforts pour que cette célébration historique soit l'expression vivante d'une relation d'exception et à nulle autre pareille.

Au quotidien, je me suis efforcé tout au long de mon mandat d'accroître le rayonnement du Québec partout en France et de le rendre attractif dans tous les domaines. C'est avec un sentiment d'admiration que les Français le perçoivent aujourd'hui, en sachant parfaitement la place distincte et autonome que le Québec occupe sur l'échiquier politique français. Au point où le président Sarkozy parle des Québécois et Québécoises comme des frères et des soeurs.

Notre présence culturelle s'est considérablement amplifiée au cours de mon mandat. La culture reste le fil conducteur de la relation, la locomotive. C'est le Québec qui offre à la France le plus grand nombre d'activités culturelles venues d'ailleurs. Dans toute la France, j'ai pu constater combien l'accueil de nos artistes est exceptionnel. J'ai tenu par ailleurs à rendre hommage à des Québécois qui se sont illustrés dans l'Hexagone: Gilles Vigneault, Fernand Leduc, Gilbert Rozon.

Ce fut pour moi un grand privilège de contribuer à l'épanouissement de la relation France-Québec. Une relation unique. Une relation d'exception et de passion. Je n'ai jamais été aussi fier d'être Québécois.

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Réplique

Contrairement à ce que prétend M. Licari, je n'ai jamais écrit qu'un ancien ambassadeur canadien ne pouvait défendre efficacement les intérêts du Québec en France. Et pour cause! Peut-être a-t-il oublié que, le 6 janvier 2006, j'avais pris sa défense dans les pages de ce même journal en invitant ses détracteurs à fournir les preuves selon lesquelles il avait nui aux intérêts du Québec lorsqu'il était ambassadeur. Pour le reste, je constate que M. Licari évite de revenir sur les exemples précis mentionnés dans ma chronique.

Christian Rioux - Correspondant du Devoir à Paris

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