Projet de loi C-384 - Pour le droit de mourir dignement

Une membre de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD) a participé à un rassemblement, le 2 novembre 2008, jour des morts, sur le parvis des Droits de l’homme à Paris, lors de la «première journée mondiale» pour la légalisation de l’euthanasie. Ce rassemblement clôturait le 17e congrès mondial de la Fédération mondiale des sociétés pour le droit de mourir et se voulait être une occasion de «parler de la mort d’une autre manière, avec la liberté de maîtriser nos derniers moments».
Photo: Agence France-Presse (photo) Boris Horvat Une membre de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD) a participé à un rassemblement, le 2 novembre 2008, jour des morts, sur le parvis des Droits de l’homme à Paris, lors de la «première journée mondiale» pour la légalisation de l’euthanasie. Ce rassemblement clôturait le 17e congrès mondial de la Fédération mondiale des sociétés pour le droit de mourir et se voulait être une occasion de «parler de la mort d’une autre manière, avec la liberté de maîtriser nos derniers moments».

Mercredi prochain, le 21 avril, le Parlement d'Ottawa votera sur mon projet de loi d'intérêt privé C-384, intitulé Loi modifiant le Code criminel (droit de mourir dignement). Une majorité de députés pourrait décider soit de l'envoyer à un comité où il serait étudié et amendé, avant de revenir au Parlement pour rejet ou adoption, ce que je souhaite, ou elle pourrait le défaire immédiatement.

Dans certains pays comme la Belgique (2002), le Luxembourg (2009) et les Pays-Bas (2001), une loi dont je me suis inspirée a été adoptée, loi qui permet aux personnes en fin de vie, dont les souffrances sont insupportables et ne peuvent être soulagées, de demander à un médecin de les aider à mourir, à certaines conditions. C'est ce qu'on appelle le droit de mourir dignement.

C'est pour atteindre cet objectif que des citoyens, dans plusieurs pays, se sont regroupés en organisations nationales qui se retrouvent à l'échelle internationale sous l'appellation World Federation of Right to Die Societies. L'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité (AQDMD.qc.ca) en fait partie. Un congrès du Bloc québécois a pris position et appuyé les principes de mon projet de loi (C-407) déposé en juin 2005.

Assurances

Avant l'adoption de la loi en Belgique, aux Pays-Bas et au Luxembourg, on a retrouvé un fort appui populaire d'une part, et d'autre part des opposants soit pour des raisons religieuses ou éthiques et d'autres qui craignent qu'une telle loi ouvre la porte à toutes sortes d'abus, qu'elle mène à une pente glissante, disant qu'il faut d'abord assurer à tous des soins palliatifs. On a ici, au Québec et au Canada, les mêmes oppositions.

Il faut leur répondre et leur donner des assurances. Je me permets de répondre d'abord que la religion des uns ne doit pas devenir la loi des autres. Je connais des prêtres catholiques qui sont favorables au droit de mourir dans la dignité d'une part et d'autre part, ce débat me rappelle celui de ma vie de jeune femme où l'Église catholique s'opposait à l'utilisation de la pilule et à l'avortement. Pour ce qui est de l'éthique de cette position, je comprends que des médecins puissent refuser d'aider quelqu'un à mourir, mais pas de lui en refuser le droit. Au nom de quoi? La personne est maintenant au centre de ses soins de santé et cela doit inclure ceux de la fin de sa vie.

Dérapages anticipés

Ce projet de loi vise à donner le choix aux personnes souffrantes, en fin de vie et sans perspectives de soulagement, de demander à un médecin de les aider à mourir. Celui-ci doit d'abord accepter et faire confirmer le diagnostic par un autre médecin. Il doit s'assurer que la personne fait sa demande de son plein gré, qu'elle sache que c'est toujours elle qui décide du moment de sa mort, et si elle veut toujours être aidée à mourir.

Quant à la crainte des dérapages, il faut rappeler qu'elle s'est manifestée aussi en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas. Mais l'application de la loi qui a été bien suivie a montré que les dérapages anticipés n'ont pas lieu. Il faut faire en sorte qu'ils n'aient pas lieu ici non plus, au lieu de perpétuer une injustice cruelle envers des personnes qui devraient y avoir droit. J'ajoute que c'est l'absence de loi, et donc de choix, qui permet les dérapages. Pourquoi le recours à la sédation terminale utilisé dans les soins palliatifs ne fait-il jamais l'objet d'une crainte de pente glissante?

Sensibilité

Les appuis à ce projet ont été et sont nombreux. Je veux citer celui des membres de l'Association féminine d'éducation et d'affaires sociales (AFEAS), qui lors de leur congrès ont pris position «pour qu'il soit permis aux Québécois de mourir dignement [... et] d'avoir le droit de recevoir, d'un médecin, l'aide nécessaire pour mettre fin à leurs jours...»

Le Collège des médecins du Québec, après son congrès de 2006 sur le thème «Aider à mourir, est-ce au médecin de décider?» a confié à son groupe de travail en éthique clinique le soin de formuler les éléments d'une position. On lit à la page 27 de son rapport d'octobre 2008: «Tout en étant conscients de l'ampleur de ces débats, les membres du groupe de travail s'entendent pour dire qu'ils partagent cette nouvelle sensibilité selon laquelle il existe des situations exceptionnelles où l'euthanasie pourrait être considérée comme une étape ultime nécessaire pour assurer des soins palliatifs de qualité.»

La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) et celle des médecins omnipraticiens (FMOQ) ont fait faire des sondages qui indiquent clairement un appui au débat sur l'euthanasie et à la légalisation de l'euthanasie: 76 % pour les spécialistes et 74 % pour les omnipraticiens. Et je pourrais parler de nombreux autres groupes et de toutes ces personnes qui m'ont écrit, de partout au Québec et au Canada, pour m'encourager à continuer.

Décriminalisation requise

Comme le Canada est une fédération dans laquelle le Code criminel est de juridiction fédérale, le Parlement devra d'abord décriminaliser l'aide médicale à mourir, comme je le propose, pour qu'ensuite les conditions devant encadrer cette aide soient établies par les ministères provinciaux de la Santé et les Collèges des médecins.

L'Assemblée nationale du Québec a décidé à l'unanimité en décembre 2009 d'entreprendre une consultation sur la question du droit de mourir dignement. Dans un quasi-silence média, la commission parlementaire ad hoc a déjà reçu une trentaine de mémoires et interrogé leurs auteurs. La commission se prépare à consulter l'ensemble de la population à partir du mois d'août. Il y a longtemps que l'opinion publique québécoise est largement favorable à cette décriminalisation (une proportion de plus de 75 %, voir le sondage Angus Reid d'août 2009).

Je conclurai en ajoutant que soins palliatifs et aide médicale à mourir ne s'opposent pas, au contraire. Des soins palliatifs de qualité, offerts à tous, devraient, au Québec et au Canada, comprendre le choix, pour les personnes en fin de vie, de demander d'être aidées médicalement à mourir quand elles n'en peuvent plus de souffrir. Vous savez comme moi que la souffrance est plus que la douleur et que, dans certains cas, même les meilleurs soins palliatifs ne peuvent soulager une personne. Lui permettre de faire le choix libre et éclairé d'être aidée à mettre fin à ses souffrances est, à mon avis, l'expression même de la plus grande compassion.

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Francine Lalonde - Députée bloquiste de La Pointe-de-l'Île

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