Rapport du vérificateur sur les CHU - Non aux PPP!

Le vérificateur général du Québec, Renaud Lachance, affirme dans son percutant rapport que les analyses appuyant la réalisation des centres hospitaliers universitaires (CHU) en mode partenariat public-privé (PPP) ne tiennent pas la route. L'Agence des PPP aurait ainsi répondu à son mandat en gonflant le coût du mode traditionnel, en ignorant les désavantages du mode PPP et en minimisant les risques liés au PPP.
Alain VadeboncoeurMédecin et porte-parole de la Coalition CHU sans PPP
Singulier dérapage, les analyses de l'agence seraient ainsi sérieusement biaisées, puis transmises au gouvernement sans validation externe indépendante, contrairement à la pratique courante en Angleterre, en France ou en Australie. En réalité, il est aujourd'hui impossible d'affirmer que les économies suggérées avec les PPP se matérialiseront; le choix des PPP pourrait même coûter plus cher, comme le montre le vérificateur par un simple ajustement d'hypothèses autrement déraisonnables.
Vive opposition
Confondus par l'obstination du gouvernement, nous avions déjà proposé le retour au mode traditionnel pour les futurs CHUM et CUSM et pour la rénovation du CHUQ; les ingénieurs et les entrepreneurs en construction avaient émis des positions comparables. Depuis, différents signaux nous laissaient croire que le gouvernement allait abandonner ce mode: reconnaissance du fait que les PPP «n'étaient plus une religion», divulgation d'un plan B, retard de l'annonce du PPP pour le CHUQ, abandon du mode PPP pour l'échangeur Turcot, puis abolition de l'Agence des PPP, etc. Nous avions prudemment salué ces orientations, mais en nous réjouissant trop vite: ces dernières semaines, le gouvernement a recommencé à encenser le mode PPP.
Nous réaffirmons donc avec force notre opposition aux PPP pour nos CHU, notamment pour les raisons précisées dans le rapport du vérificateur général: incertitude quant au transfert de risque, précarité du consortium privé, complexité juridique de la transaction, manque de flexibilité pour répondre aux besoins, concurrence limitée. De plus, ces derniers mois, d'autres événements nous ont confirmé l'importance de rejeter le mode PPP.
Rejet des PPP
D'abord, l'abandon du mode PPP pour l'échangeur Turcot, qui aurait dû influencer les réflexions; les raisons invoquées par la ministre Julie Boulet étant largement applicables aux CHU: crise économique mondiale, resserrement du marché du crédit, manque de souplesse du mode PPP pour des projets de cette envergure, projet en zone urbaine dense, abondance des partenaires, etc.
Est-il ensuite besoin de rappeler que le mode PPP n'a pas fait ses preuves pour la construction d'hôpitaux, bien au contraire, alors que les modes traditionnels, connus et maîtrisés, répondent aux besoins tout en respectant généralement les coûts? Cette année encore, on inaugurait de nouveaux projets majeurs à l'hôpital Sainte-Justine, conçus et construits en mode public, sans dépassement des budgets ni des échéances. Pourquoi continuer à nier cette expertise? Et a-t-on bien compris la leçon du monde municipal? Le plein transfert au secteur privé de la conception, de la construction, de l'exploitation, de l'entretien et du renouvellement de projets majeurs peut conduire à des excès.
Mode conventionnel
Les appels d'offres des PPP pour les CHU ayant été modifiés en septembre, leur validité est également mise en doute, certaines des restrictions levées transformant après coup la nature du contrat proposé. Et que penser des retards majeurs engendrés par le refus des consortiums d'endosser les risques sans une compensation excessive?
La coalition CHU sans PPP persiste et signe: après avoir aboli l'Agence des PPP, Québec doit maintenant en révoquer la principale conclusion et revenir au mode traditionnel pour ces projets hospitaliers majeurs, qui détermineront la qualité des installations universitaires en santé pour le prochain demi-siècle.
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Ont aussi signé ce texte: Marie-Claude Goulet, André Bourassa, Régine Laurent, Louis Roy, Dominique Verreault, Jacques Fournier, Yann Dazé, Louis Godin, Gaétan Barrette, Charles Fortier, Louise Chabot, Claudelle Cyr, Francine Lévesque, Benoît Cloutier, Gaétan Châteauneuf, Paul Thomas, Michel Ducharme.
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