Navette entre l'aéroport et le centre-ville - De l'aéroport à la Gare centrale, l'option idéale
Deux tracés sont actuellement à l'étude pour créer un lien direct entre l'aéroport international Pierre-Elliot-Trudeau et le centre-ville de Montréal. Tous les intervenants, Aéroports de Montréal (ADM), l'Agence métropolitaine de transport (AMT), le ministère des Transports du Québec, Transports Canada et la Ville de Montréal s'entendent sur la nécessité d'un lien ferroviaire rapide et efficace reliant l'aéroport au centre des affaires de Montréal. Tous ne s'entendent toutefois pas sur le tracé à privilégier: la route du CN ou la route du CP.
Chacune des deux options entraînera la construction d'une voie spécialement dédiée aux nouveaux trains sur l'emprise des voies existantes du CN ou du CP. Le tracé du CN a pour terminus la Gare centrale et celui du CP, la gare Lucien-L'Allier. Chacun de ces liens révèle deux visions, selon nous opposées, du développement de Montréal.Site idéal
Le choix du tracé reliant l'aéroport au centre-ville de Montréal n'est pas anodin. Il importe de l'examiner tant en regard du but initial recherché, soit la desserte efficace d'un aéroport international qui transporte annuellement 12 millions de voyageurs et congressistes, qu'en regard de son impact sur le développement futur de Montréal.
Les voyageurs, et tout particulièrement les congressistes, qui empruntent l'aéroport Pierre-Elliot-Trudeau désirent un lien rapide vers le centre-ville, ses hôtels et ses restaurants. La Gare centrale, en raison de sa localisation, au centre du quartier des affaires, à proximité des hôtels et du Quartier international, ainsi que ses liens au réseau multimodal est le site idéal.
Tout usager d'un aéroport international sait à quel point il est important d'avoir accès à une navette qui mène directement à l'hôtel ou au lieu de réunion. La Gare centrale offre cet avantage, alors que Lucien-L'Allier représente uniquement un quai de débarquement, à l'extrémité ouest du centre des affaires.
Des inconvénients
Les tenants du tracé du CP avancent d'ailleurs qu'il sera nécessaire de construire une véritable gare à Lucien-L'Allier et par la suite de relier cette dernière à un projet de développement immobilier sur la rue Saint-Antoine afin de créer un possible nouveau lien intermodal de déplacement. Toutefois, même si ce projet de développement immobilier devait voir le jour, tout passager débarquant à Lucien-L'Allier devra parcourir plusieurs centaines de mètres, dans des tunnels et dédales, ou prendre un taxi pour se rendre au centre des affaires ou à son hôtel. Peut-on sérieusement penser que malgré ces inconvénients, les usagers de l'aéroport vont emprunter le nouveau lien vers la gare Lucien-L'Allier?
Des recherches ont démontré que parmi les facteurs qui favorisent le succès d'un lien direct entre un aéroport et le centre-ville, c'est le temps total de déplacement porte-à-porte qui importe le plus pour le voyageur. Ainsi, un lien rapide sera boudé si son accès est loin des passerelles d'arrivée à l'aéroport ou si ses points de chute nécessitent le transfert vers un autre mode de transport pour atteindre le centre-ville.
Transit central
Montréal peut-elle courir le risque de construire une nouvelle gare, excentrée du centre des affaires, alors que la Gare centrale, mieux située, s'acquitte déjà parfaitement de son rôle de gare de passagers? Elle est en effet la seule véritable gare nationale et internationale de passagers à Montréal, recevant annuellement 1,5 million de passagers de Via Rail et du réseau américain Amtrak, en provenance de toutes les provinces du Canada et des États-Unis. Ces usagers représentant 95 % de tout le trafic ferroviaire national à destination de Montréal.
L'AMT transportait en 2007 journalièrement 36 000 passagers à la Gare centrale, contre
22 000 à Lucien-L'Allier. Toutefois, dès que les travaux de mise en fonction du train de banlieue de Mascouche seront terminés, les passagers de la ligne Blainville-Saint-Jérôme évitront l'énorme détour qu'ils font aujourd'hui en direction de Lucien-L'Allier et se rendront directement à la Gare centrale. L'AMT transportera alors journalièrement à la Gare centrale 50 000 passagers, contre 12 000 pour Lucien-L'Allier.
Le train à grande vitesse entre Québec et Windsor, lorsqu'il verra le jour, passera par la Gare centrale. Le projet de TGV entre New York et Montréal et le corridor ferroviaire reliant Boston et Albany, suggéré par le plan de 8 à 13 milliards de dollars du président Barack Obama passeront pareillement par la Gare centrale.
Pôle de transport
La Gare centrale est déjà appelée à devenir la plaque tournante des lignes qui relient Montréal aux autres centres touristiques et d'affaires du Canada et des États-Unis. Ne serait-il pas logique d'y ajouter aussi un lien vers la porte d'entrée des voyageurs internationaux? Montréal n'a pas le luxe de diluer ses pôles d'attraction en transport, en l'occurrence en opposant la gare Lucien-L'Allier à la Gare centrale et surtout pas les moyens d'offrir un lien ferroviaire centre-ville-aéroport que personne n'utilisera.
Si Aéroports de Montréal désire devenir un noeud intermodal du transport aérien et terrestre et si Montréal désire briguer le titre de plaque tournante du transport pour l'est du Canada, seul le tracé du CN lui permettront d'atteindre ce but tout en conservant la Gare centrale comme pôle du transport passager à Montréal.
Valse-hésitation
La construction d'un nouveau lien ferroviaire est toujours un élément structurant, et celui voulu par ADM ne fait pas exception. Le tracé du CN peut devenir un formidable levier pour les quartiers, identifiés sur le plan d'urbanisme comme représentant un fort potentiel de développement à court terme et situés en périphérie de la route du CN, soit les quartiers Saint-Henri, Pointe-Saint-Charles et Griffintown. En comparaison, les quartiers qui sont en périphérie de la route du CP, Montréal-Ouest, Notre-Dame-de-Grâce et Westmount, retireront peu d'avantages d'un corridor distinct sur la route CP puisqu'ils sont déjà développés et ne nécessitent aucun nouveau lien de transport.
ADM, dès le mois d'août 2007 dans un mémoire présenté dans le cadre de la consultation publique sur le plan de transport de Montréal, s'est prononcée pour le tracé du CN. La Ville de Montréal précise à son plan d'urbanisme qu'elle désire implanter une navette ferroviaire reliant le centre de Montréal à l'aéroport à partir de la Gare centrale.
Pourquoi alors envisager la route du CP? L'actuelle valse-hésitation résulte, selon nous, du désir de l'AMT d'utiliser la nouvelle voie réservée du CP pour améliorer la desserte de sa clientèle empruntant aujourd'hui le train de banlieue Dorion-Rigaud. Nous comprenons son désir d'améliorer son réseau local à court terme, mais nous sommes surpris de constater son manque de vision pour le développement de Montréal et surpris de constater que cet intérêt local puisse s'opposer au développement d'un aéroport international et à celui de Montréal.
Montréal centre
Devant l'importance pour la métropole du tracé CN, les instances politiques, tant provinciale que municipale, doivent prendre position fermement pour Montréal centre et non favoriser les seuls résidants de l'ouest de l'île de Montréal. Si Montréal veut conserver ses atouts en transport, elle doit clairement affirmer que l'AMT fait fausse route en adoptant une position à courte vue dans le seul but de favoriser sa clientèle du train de banlieue Dorion-Rigaud au détriment du réseau intermodal de transport de Montréal.
Le gouvernement du Québec doit mettre un terme au débat qui oppose l'AMT à l'ADM et à la Ville de Montréal afin que se concrétise, le plus rapidement possible, un projet de transport structurant pour la ville de Montréal et qui risque, si de mauvais choix sont exercés, de diviser les pôles d'attraction de la métropole.
Le choix du tracé devant relier l'aéroport au centre-ville oppose la position d'affaires et de développement à long terme d'ADM et de la ville de Montréal à la position «provincialiste» de l'AMT. L'intérêt local, soit celui de l'AMT, doit céder le pas devant l'intérêt national, favorisé par l'ADM et la ville de Montréal. Nous optons pour l'intérêt national, sachant qu'il profitera pareillement à ceux qui, aujourd'hui, s'y opposent.