Libre-opinion - Pour l'avenir immédiat

Le sommet du G8 vient de se terminer. Force est de constater que la classe politique contemporaine s'inscrit toujours, tant pour la crise alimentaire que pour la biosphère, dans un paradigme culturel suranné tenant davantage de l'époque de Champlain que du XXIe siècle!

Il est navrant de constater que la rhétorique de la classe politique s'enracine toujours dans un modèle économique qui ressemble davantage à une forme sécularisée du premier stade de la pensée religieuse. À écouter attentivement nos représentants, il apparaît que ces personnes professent une foi aveugle dans les principes d'une économie de marché. Selon ces prémisses, seule une croissance sans entrave et le libre-marché vont résoudre, par l'innovation technologique, les crises se profilant à l'horizon. À les entendre, la voie royale pour éviter une catastrophe humanitaire quant aux denrées alimentaires est de favoriser une plus grande déréglementation, la privatisation des services et la libéralisation totale du commerce international!

Or, cette politique assénée depuis 20 ans n'a fait croître que... la pauvreté! L'extraversion de l'économie du Sud (par la monoculture d'exportation par exemple) a détruit l'agriculture vivrière. Au-delà de l'aide d'urgence indispensable, il convient de réorienter l'économie des pays vers une agriculture visant à nourrir une population locale plutôt qu'à exporter. Les outils à ce niveau existent, mais cela exige une volonté politique de replacer l'économie au coeur des sociétés en privilégiant une vision du bien commun plus large que la simple recherche de la performance, de la rentabilité et de la compétitivité.

Une telle myopie s'observe également quant à la crise écologique. Les dirigeants du G8 ont manifesté leur désir d'éliminer de 50 % les gaz à effet de serre (GES) provenant de la combustion des carburants fossiles d'ici 2050. Dans la déclaration, il n'est mentionné aucunement l'année de référence par rapport à laquelle les pays s'engagent à réduire ces gaz. S'agit-il de 1990, de 2000 ou de 2049? Ensuite, il n'y a rien de bien concret pour mesurer l'atteinte ou non des objectifs. Au rythme actuel de croissance des émissions, le seuil critique d'emballement climatique sera dépassé depuis longtemps.

En effet, selon les propos du président du GIEC (Groupe international d'experts sur le climat, mandaté par l'ONU), Rajendra Pachauri, nous n'avons plus que sept ans, soit jusqu'en 2015, pour entreprendre une réelle diminution des GES, sans quoi les catastrophes environnementales et humaines seront sans précédent. Nous entrerons alors complètement dans la sixième extinction majeure de la Terre, entraînant fort probablement la disparition de notre propre espèce! La lutte contre les GES et contre la perte de la biodiversité n'est donc pas pour demain, mais pour l'immédiat.

Bien que l'avenir apparaisse sombre, il est toujours temps de changer. Cela nécessite la poursuite de la mutation culturelle en cours. En effet, nous passons d'un paradigme de la modernité axé sur la séparation humain/nature, l'indépendance, l'excellence et l'économie débridée, à un autre modèle plus «écohumaniste». Ce dernier accentue l'importance de l'interdépendance, de la coopération, des rapports égalitaires et de la solidarité.

Des outils existent déjà pour asseoir ces rapports nouveaux: songeons simplement à la Charte onusienne des droits de la personne, aux pactes sur les droits économiques, sociaux et politiques ainsi qu'au protocole de Kyoto. Autrement dit, la transformation actuelle requiert d'instaurer une éthique réellement planétaire qui s'appuie sur ces principes, mais aussi sur le dialogue reconnaissant de facto la légitimité de l'autre dans sa culture, sa vision religieuse et sociale. Un tel mouvement faciliterait l'émergence d'instances internationales «mondialisant» davantage le politique, le vivre-ensemble et subordonnant l'économie aux besoins humains et environnementaux. Cela favoriserait ainsi un avenir meilleur pour toutes et tous.

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