Projet de loi 125 - Pensionnats indiens, tome 2

Nous, les chefs des Premières Nations du Québec, souhaitons nous adresser aujourd'hui à la population du Québec au sujet du plus grave problème que nous ayons eu à subir depuis le triste épisode des «pensionnats indiens». C'est bien connu, ceux-ci avaient pour objectif de faire disparaître nos nations le plus vite possible en «tuant l'Indien dans l'enfant»! C'est ce qu'on appelle un ethnocide. Nous sommes encore, aujourd'hui même, confrontés à des nouvelles mesures gouvernementales dont les effets risquent d'être tout aussi désastreux pour nos Premières Nations.

En effet, une nouvelle disposition de la Loi sur la protection de la jeunesse fait en sorte qu'à partir du 9 juillet 2008, un enfant de moins de deux ans qui est placé depuis un an en dehors de sa famille devra désormais faire l'objet d'un projet de vie permanent jusqu'à sa majorité.

Chaque enfant des Premières Nations soumis à cette mesure sera donc coupé définitivement de sa famille d'origine, de sa communauté et de ses racines, si l'on ne trouve pas de foyer ou d'institution propres aux Premières Nations pouvant l'accueillir. Or, faute de moyens en raison du sous-développement, de telles ressources d'accueil sont presque inexistantes dans les communautés des Premières Nations. La situation a été maintes fois décrite et souvent dénoncée par le passé, mais rien n'a été fait.

Ainsi, dans un mémoire portant sur le projet de loi concerné (projet de loi 125), la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec (CDPDJ) a elle-même signalé son inquiétude concernant l'application dans les communautés autochtones des règles et des délais prévus pour les placements, compte tenu de l'insuffisance des ressources d'accueil dont elles disposent. Dans un rapport précédent (2003), la CDPDJ avait déjà souligné ses préoccupations concernant les services de protection offerts aux enfants algonquins et l'atteinte à leur droit de recevoir de façon continue des services sociaux qui soient adéquats.

Sous-financement

Par ailleurs, il y a quelques semaines, la vérificatrice générale du Canada dénonçait, elle aussi, le sous-financement des services de soutien aux enfants et aux familles des Premières Nations.

Nous ne sommes donc pas en mesure de rencontrer les exigences de la loi actuelle parce que nous n'avons pas accès aux services appropriés. Notons que le Québec a alloué 15 M$ dans son budget 2008-09, mais ces fonds ne sont pas accessibles aux communautés non conventionnées. Il s'agit là encore d'une atteinte aux droits de nos enfants et de leurs parents de recevoir des services sociaux continus et adéquats.

Depuis plus d'un an, nous avons effectué, en vain, des démarches soutenues auprès des plus hautes autorités pour que le gouvernement du Québec décrète un moratoire dans l'application aux Premières Nations des projets de vie permanents. Une demande d'enquête a même été logée récemment à la Commission des droits de la personne du Québec.

Le gouvernement de Jean Charest ne consent toujours pas à suspendre l'application des projets de vie permanents pour tenir compte de la réalité particulière des populations que nous représentons. Pourtant, l'application sans considération par son gouvernement de cet aspect de la loi constitue à notre endroit une très grave injustice qui fait resurgir les cauchemars du passé pour lesquels le premier ministre Harper vient justement de s'excuser.

Prendre soin des enfants

Les politiques d'assimilation et la négligence des gouvernements dans le développement de nos communautés ont donné des résultats désastreux qui se traduisent par un nombre démesuré de placements d'enfants des Premières Nations dans le système québécois, soit huit fois plus que les enfants québécois! Or l'expérience des dernières décennies a clairement démontré que le retrait des enfants des Premières Nations de leur milieu n'était pas une solution.

Nous ne contestons pas la nécessité et l'obligation de mettre en oeuvre des moyens efficaces pour protéger les enfants qui, dans plusieurs cas, doivent être retirés de leurs familles immédiates pour des périodes plus ou moins longues, mais nous nous opposons fermement à l'ordonnance de projets de vie permanents et cela, tant que nous n'aurons pas les ressources nécessaires pour les appliquer dans notre milieu. Il est impératif que nous puissions nous occuper nous-mêmes de

nos enfants.

Est-ce que l'extinction graduelle des Premières Nations est quelque chose d'acceptable pour la société québécoise? Nous dénonçons la présente situation dans l'espoir que le Québec qui, à travers ses institutions, fait la promotion de son caractère unique, de sa langue et de sa culture, se joindra à nous pour mettre fin à cette politique qui est si défavorable à notre peuple.

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