Griffintown: devenir une réalité exemplaire pour l'avenir
Faire renaître l'ancien quartier industriel de Griffintown représente une occasion unique de revitaliser un territoire stratégique de 12 hectares à proximité du centre de Montréal. Le promoteur Devimco a présenté son projet lors de la consultation de l'arrondissement du Sud-Ouest sur le plan particulier d'urbanisme (PPU) qui l'encadrera.
Comment traduire cet investissement considérable de 1,3 milliard de dollars, cette occasion de renaissance, en un modèle pertinent et exemplaire pour l'avenir, qui réponde aux enjeux de Montréal, aux caractéristiques urbaines particulières, aux besoins des populations locales, au respect de l'histoire et du patrimoine collectif ainsi qu'aux nécessités du développement durable tout en étant rentable?Une architecture à améliorer
Les concepteurs du projet ont avec raison choisi un projet multifonctionnel, assez dense, privilégiant les transports collectifs, la marche, les vélos et le tramway. Des services de proximité, des commerces, des bureaux, des activités culturelles, des parcs et des équipements créeront un milieu de vie attrayant et sécuritaire.
La diversification résidentielle répond aux besoins des plus jeunes comme des plus âgés, des familles et des personnes vivant seules, des personnes à revenu variable. Le soin apporté aux accès au fleuve, à la préservation des bâtiments anciens, aux lieux de rassemblement, aux salles de divertissement et aux pistes cyclables traduit le souci de créer un environnement de qualité. Avec raison, le PPU veut encadrer la qualité architecturale des projets de construction, comme le propose aussi le promoteur. Les esquisses présentées ne rendent pas justice à la qualité attendue d'un tel projet.
Des contradictions fondamentales à régler
Mais le PPU contient plusieurs contradictions. Il accroît la largeur des rues, en crée de nouvelles pour favoriser la fluidité de la circulation automobile et autorise 4000 places de stationnement non résidentielles et près de 4000 autres places résidentielles. Ce choix contredit les objectifs écrits d'accorder la priorité aux transports collectifs, au développement urbain durable, aux piétons et à une vie de quartier de qualité. La mise en valeur des bâtiments patrimoniaux et l'animation du secteur culturel sont eux aussi contredits par la proximité écrasante d'une tour de 80 mètres, une chaussée à six voies sur la rue Wellington et plusieurs rues à quatre voies avec des trottoirs conventionnels.
Ces choix contradictoires sont dictés par le coeur du concept proposé, soit la construction d'un million de pieds carrés de locaux commerciaux (18 % du total), sur basilaires, c'est-à-dire autant que la superficie du Marché central, un des plus gros centres commerciaux au Canada avec ses 4000 places de stationnement et ses dix millions de visiteurs par année via les autoroutes 15 et 40.
Le promoteur et l'arrondissement doivent trouver les justes équilibres qui assureraient une cohabitation harmonieuse des différentes vocations, quitte à ajuster le concept, ainsi qu'un retissage des liens avec les quartiers limitrophes, sujet dont il est peu question dans le projet présenté.
Les projets urbains réussis s'appuient sur les réalités du milieu et sur la qualité des consultations en amont avec les parties prenantes, des professionnels compétents, des promoteurs ouverts et un leadership municipal fort. Depuis deux ans, le promoteur Devimco a tenu des rencontres avec une quarantaine de groupes et les services municipaux.
Cette démarche, toute à son honneur, a fait évoluer le concept du projet afin qu'il réponde mieux aux besoins du milieu, à la préservation du patrimoine, à un milieu de vie urbain. Depuis le premier concept, le nombre d'unités résidentielles est passé de 1400 à 3860 et les espaces commerciaux de 40 à 18 % de la superficie. Les bâtiments d'intérêt patrimonial sont conservés, les espaces verts accrus, etc. La consultation suscite un grand intérêt. Espérons que le promoteur et les services municipaux continueront d'écouter et tiendront compte des suggestions bonifiant le projet dans ses dimensions humaines, urbaines et architecturales et trouveront des solutions imaginatives à ses contradictions intrinsèques.
Un projet pour l'avenir
La collectivité montréalaise, Devimco et les investisseurs (caisses de retraite québécoises et fiducie familiale) ont la chance de réaliser un projet qui devrait devenir exemplaire à l'échelle internationale, digne du Montréal du XXIe siècle. Le parti pris architectural devra s'affirmer par sa force, sa durabilité et sa sensibilité au tissu urbain et à l'âme montréalaise. Concevoir un quartier urbain et humain réussi en ayant fait les choix difficiles du développement durable et de la rigueur et dont d'autres s'inspireront comme nous le faisons avec certains projets exemplaires à Barcelone, Londres, Berlin, Lyon ou Arlington constitue un objectif rassembleur et mobilisateur pour tous.