Lettres: Les savoirs fondamentaux révèlent l'humanité
Dans son article intitulé «L'école-poubelle» (Le Devoir du 22 février 2008), Christian Rioux nous a rappelé le rôle essentiel de l'école: instruire. Bien sûr, les tenants de la «posture professionnelle» protesteront au nom du rôle «social» de l'école et de l'urgent apprentissage des «compétences transversales».
Christian Rioux nous ramène en quelques mots à l'essentiel: l'enseignement des savoirs fondamentaux. Dans son remarquable ouvrage intitulé: Le Trésor des savoirs oubliés», la grande helléniste Jacqueline de Romilly, après avoir rappelé que «l'expérience accumulée dans la littérature ou l'histoire d'une civilisation offre un registre infiniment plus étendu et plus frappant que la plupart des vies», ajoute que «les savoirs oubliés sont passés en nous en éveillant certaines émotions: la voie reste ouverte pour toujours à des réactions de même type, affectives ou morales».Reste l'actuelle obsession de la mesure, dont la question — hautement stratégique! — des bulletins hante les coulisses du pédagogisme. Comment savoir ce que les enfants savent? Jacqueline de Romilly nous rassure: «[...] il n'est pas nécessaire que les souvenirs remontent jusqu'à la conscience pour exercer leur influence. Et voilà alors ce monde intérieur qui se multiplie à l'infini, grâce au trésor caché des souvenirs oubliés. Une dimension nouvelle apparaît, et des richesses nouvelles s'ouvrent à nous.»
Voilà pourquoi Christian Rioux a raison d'affirmer que «le rôle des professeurs, c'est tout simplement d'instruire. Et c'est déjà bien assez vaste pour qu'on leur fiche la paix».
L'école humaniste avait fait le pari que le contact avec les grandes oeuvres humanistes révélerait aux jeunes l'essentiel de leur humanité: cela vaut bien quelques compétences transversales...