Santé Canada interdit aux homosexuels le don d'organe - Une exclusion révoltante
La récente décision de Santé Canada d'interdire aux homosexuels le don d'organe est tout simplement révoltante, tant pour les patients en attente d'une transplantation d'organe que pour la communauté gaie.
D'abord, cette décision risque d'avoir des conséquences graves sur les patients en attente d'un organe. Réduire le nombre de donneurs, c'est augmenter le nombre de décès liés à l'absence d'organes disponibles. Santé Canada prétend que sa décision est basée sur des considérations sécuritaires, mais se refuse toutefois à expliciter davantage ses arguments. En effet, elle n'a fourni aucune explication quant à ses motifs profonds, mis à part une vague évocation de la question du «risque».Mais puisque l'on parle de risque, je me permets ici d'invoquer la nuance, essentielle, qu'il faut faire entre les personnes et les pratiques. C'est un des points sur lesquels les activistes de la lutte contre le VIH ont insisté depuis une vingtaine d'années. En montrant du doigt les personnes (par exemple la communauté gaie) plutôt que les comportements (par exemple les relations sexuelles non protégées), non seulement on stigmatise un groupe, mais on fait croire aux personnes qui ne font pas partie de ce groupe qu'elles sont, pour ainsi dire, hors d'atteinte. C'est donc une attitude à la fois discriminatoire pour les uns et déresponsabilisante pour les autres.
Au bout du compte, l'argument de la sécurité, tel qu'il est invoqué par Santé Canada, est tout simplement fallacieux: un véritable souci pour la sécurité consisterait à recenser des pratiques risquées, et non à montrer du doigt une communauté. Est-ce que Santé Canada croit vraiment que des relations sexuelles protégées entre deux partenaires homosexuels sont plus dangereuses que des relations non protégées entre deux partenaires hétérosexuels? Si la position de Santé Canada est fondée sur l'ignorance et les préjugés, il est de son devoir, aujourd'hui, de rectifier la situation à la lumière d'informations justes et rationnelles. Si elle ne le fait pas, on sera en droit de penser que la sécurité n'était pas un motif réel, mais bien un prétexte visant à propager un préjugé inacceptable à l'endroit de la communauté gaie.
Dans sa lettre publiée dans l'édition du 16 janvier du Devoir, le ministre fédéral de la Santé, Tony Clement, prétend qu'il ne s'agit pas d'une véritable interdiction, et que les critiques émanent de «certaines personnes [qui] n'ont pas pris la peine de lire les règlements publiés récemment». J'ai lu les règlements en question: «Les critères d'exclusion pour le don de cellules, de tissues [sic] ou d'organes doivent comprendre les facteurs de risque suivant associés au VIH, au VHB et au VHC: les hommes qui ont eu des rapports sexuels avec un autre homme au cours des cinq dernières années.» À moins que je ne me trompe, une exclusion, ça ressemble beaucoup à une interdiction.