Libre-Opinion: L'école du respect
Le débat sur les accommodements raisonnables et sur l'immigration qui a eu lieu au cours des derniers mois a permis aux Québécois d'exprimer un certain malaise identitaire. Beaucoup de Québécois ne se reconnaissent plus aujourd'hui dans le monde qui les entoure. Celui-ci apparaît plus confus, plus complexe, plus chaotique que jamais. La population a besoin de nouveaux repères pour retrouver son optimisme, sa confiance en elle-même et son destin tout en assumant sans complexe son identité.
J'aimerais défendre la position voulant qu'une des causes de ce malaise identitaire provient de la relation trop souvent méfiante que nous entretenons avec nos institutions publiques et leurs représentants. Trop souvent, ceux-ci apparaissent comme des objets de moquerie sans qu'il y ait de véritables contreparties à cette irrévérence.Par conséquent, j'aimerais aussi défendre l'idée selon laquelle une solution à ce problème passe par l'enseignement du respect des institutions publiques. Cette forme particulière de respect est essentielle pour remédier au malaise identitaire ressenti par une grande part des membres de notre société. Il n'y a pas de sentiment d'appartenance à une communauté sans respect pour ses institutions publiques. Il ne s'agit pas de forcer les esprits à une obéissance aveugle mais de reconnaître à travers le système d'éducation le rôle positif que jouent les institutions publiques dans nos vies.
On m'objectera qu'il n'appartient pas aux professeurs d'éduquer au respect. Ce rôle revient à la famille. Cette affirmation n'est pas sans fondement. Qui d'autre que la famille ferait faire aux enfants l'expérience du respect? Il est vrai que celle-ci joue un rôle non négligeable, mais elle n'est pas exempte de défauts et ne peut pas accomplir toutes les formes d'éducation.
D'une part, on serait étonné de constater le nombre de jeunes qui ignorent l'existence même des règles les plus élémentaires du respect. D'autre part, il y a une forme de respect qu'il n'appartient pas à la famille d'enseigner: celle qu'on doit envers les institutions publiques. Malheureusement, en raison de la valorisation excessive de l'élève par rapport aux institutions publiques et de la défiance qu'ont une partie des professeurs envers celles-ci, cette forme de respect a été largement oubliée.
Depuis la Révolution tranquille, l'école a été au service du développement personnel de l'élève. Dans ce contexte où le professeur est réduit au rôle de simple accompagnateur, il ne reste plus rien de l'institution qu'il représente et incarne. Au mieux, elle est au service de l'élève, un simple instrument pour réaliser ses ambitions; au pire, elle n'existe pas, il en ignore tout. S'il est vrai qu'il fallait mettre l'élève au centre de l'école, on peut se demander aujourd'hui, avec le recul, si nous ne sommes pas allés trop loin dans cette voie et si le système d'éducation n'a pas trop contribué au développement de l'hyperindividualisme dans notre société et des effets pervers qui en découlent.
Le plus stupéfiant, c'est qu'une partie du corps professoral lui-même est incapable d'envisager sereinement son rapport aux institutions dont il fait partie. On peut comprendre que la génération élevée dans l'arbitraire de la religion et qui a bâti l'école moderne soit méfiante envers l'idée de respect des institutions publiques. À cette suspicion toute naturelle s'est ajoutée chez quelques-uns une foi aveugle envers l'idéologie néo-marxiste et syndicaliste selon laquelle l'État et ses institutions ne sont que des instruments au service du capitalisme. Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que les nouvelles générations de professeurs et la société en général soient défiantes envers les institutions publiques ou ne soient pas sensibilisées au rôle positif que celles-ci jouent dans nos vies.
Il est temps aujourd'hui de refaire sereinement le débat sur l'enseignement du respect des institutions publiques. S'il n'y a pas assez de respect dans notre société, c'est d'abord, j'en suis convaincu, en partie la faute de l'école.
Il faut revaloriser le service de l'État chez les professeurs tout comme le respect des institutions publiques chez les élèves. Ce bref plaidoyer en faveur du respect doit aussi être l'occasion de s'interroger sur l'enseignement de la civilité et de la politesse à l'école. Il faut y réhabiliter la politesse, réhabiliter la courtoisie, réhabiliter la civilité et, pourquoi pas, même si le mot fâche, réhabiliter l'autorité. La salle de classe doit être un espace de civilisation et non pas un lieu de barbarie. La jeunesse du Québec ne mérite rien de moins pour préparer son avenir et pour s'épanouir avec confiance dans le monde de demain.