Les sondages influencent-ils les électeurs?

La victoire d'Hillary Clinton aux primaires du New Hampshire a encore une fois fait mentir les prédictions des sondages qui, décidément, mesurent mal les mouvements de l'opinion publique en fin de campagne électorale. Mais au-delà des explications méthodologiques, l'«accident» du New Hampshire pose indirectement l'éternelle question qui hante l'univers des sondages depuis 50 ans: ceux-ci influencent-ils vraiment le choix des électeurs?

En raison de l'«idéal démocratique» si cher aux Américains, ce sont eux qui se sont intéressés à cette question bien avant la venue des sondages. L'immensité du territoire des États-Unis fait en sorte que les résultats des États de la côte Est sont connus avant la fermeture des bureaux de scrutin de la côte Ouest!

Les recherches américaines, dont la majorité ont été réalisées dans les années 60, distinguent l'effet d'entraînement (ou bandwagon) de l'effet contraire (dit underdog) qui stimule les électeurs à voter pour contrer une victoire trop facile d'un des candidats. Lorsque la motivation d'une partie considérable de l'électorat «politiquement non aligné» consiste à voter pour le vainqueur, alors l'effet bandwagon sera plus important que l'effet underdog. Évidemment, si les deux effets sont de même force, alors ils s'annulent mutuellement et la résultante finale est nulle.

Preuve impossible

Au Québec, le mérite d'avoir étudié sérieusement l'impact de la publication de sondages sur le comportement électoral revient à des chercheurs universitaires. À l'instar de leurs collègues américains, ils n'ont pas réussi à démontrer hors de tout doute raisonnable que les sondages influencent significativement les électeurs en créant un élan favorable à un parti ou à un candidat. Au contraire, elles concluent à une impossibilité théorique d'apporter une preuve méthodologique de ces influences même si, d'un point de vue empirique, celles-ci semblent bien réelles.

Cette théorie transposée aux primaires du New Hampshire exclut d'office toute explication qui reposerait sur l'effet bandwagon, ce qui aurait agrandi encore davantage l'écart en faveur du candidat Barack Obama, que les sondages donnaient déjà gagnant.

Par contre, le taux de participation record à ces primaires du New Hampshire pourrait mieux expliquer le dérapage des sondages qui n'ont pas su détecter ce bloc des 40 % d'électeurs indépendants «sans affiliation partisane» composé de femmes davantage proches de la candidate Hillary Clinton, d'autant plus que cette clientèle est traditionnellement plus réservée sur les questions d'ordre politique que l'électorat masculin.

S'il est possible d'avancer que la forte participation aux primaires du New Hampshire a potentiellement favorisé la candidate Hillary Clinton, il est plus difficile de démontrer que cette participation majoritairement favorable à la candidate démocrate est imputable à un effet underdog. Sont-ce les prédictions des sondages qui ont influencé l'électorat ou plutôt le retentissant «cri du coeur» lancé la veille par la seule femme candidate à cette présidentielle américaine?

Cri du coeur

Il faut convenir que ce «cri du coeur» a sûrement eu un impact beaucoup plus important sur l'électorat que la publication de sondages montrant l'avance du candidat Barack Obama. Et, encore une fois, les sondages se tirent d'affaire, faute de preuves! Sauf que, sans les sondages, il n'y aurait probablement pas eu de «cri du coeur»...

Mais si les erreurs de prédiction des sondages découlent effectivement du resserrement des femmes autour de la candidature d'Hillary Clinton et si cette «tendance se maintient», il serait possible que le prochain président des États-Unis soit une femme.

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