Lettres: Les videurs de bars

J'ai la plus grande estime et le plus grand respect pour mes deux confrères d'armes, Claude Legault et Pierre-Yves Bernard, avec qui j'ai partagé la scène, et leur remarquable série Minuit, le soir, que je soutiens toujours dans mon pouvoir de votation aux prix Gémeaux.

Cependant, la réalité des nuits de Montréal et la mafia nouvellement institutionnalisée des «bouncers» méritent qu'on se penche sérieusement sur elles.Les aléas de la vie m'ont amené à être témoin, depuis quelques années, des abus et des aberrations commis par ces videurs de bars et je m'interroge sérieusement sur les pouvoirs dont jouissent ces justiciers nourris aux hormones. Comment se fait-il que ces personnes, à l'heure où l'on refuse (avec raison) aux agents de sécurité du métro de jouer aux policiers, puissent (sans être inquiétées d'aucune façon) jouer aux policiers et aux justiciers sans jamais faire appel à la police, sinon pour ramasser les éclopés sur les trottoirs.

Une policière expliquait récemment à un tout jeune homme ensanglanté, bien frêle pour avoir subi une dégringolade dans un escalier, après être passé entre les mains de trois armoires à glace au crâne bien lisse, qu'il pouvait toujours porter plainte mais que la police ne pouvait rien faire pour lui. Elle ajoutait candidement qu'il était mieux d'être bien préparé et apte à identifier, clairement et sans aucun doute possible, son agresseur, car il aurait à confronter sa version des faits à celle, unanime et bien rodée, de tous les travailleurs de la

place.

Les nuits de Montréal n'ont jamais été aussi troublées et aussi empreintes de violence que depuis l'apparition de cette mode des «bouncers» qui font le tri à l'entrée — acceptant les mineurs qui offrent un «vert» (ou deux), un «rouge» ou, mieux, un «brun» — et qui précipitent vers la sortie de supposés indésirables pour des raisons vaseuses et aléatoires. J'aimerais que notre intelligentsia politique, si prompte à réglementer le citoyen dans ses moindres gestes, se penche sur la question et nous fasse rapport de ses constatations et de son désir de réglementer et de contrôler la formation, l'éthique et la déontologie de l'industrie du «bouncer».

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