De Jean Lesage à Jean Charest

Le Parti libéral du Québec de Jean Charest a bien peu de choses à voir avec le parti de Jean Lesage. En 1960, le PLQ incarnait le changement. Après tout, il venait de passer 16 ans dans l'opposition, ce que d'aucuns ont appelé la Grande Noirceur, et avec une équipe du tonnerre, il allait proposer le slogan «Maîtres chez nous». Les deux gouvernements de Jean Lesage allaient en effet prendre les mesures les plus marquantes de la Révolution tranquille, ne serait-ce que la nationalisation de l'électricité, la fondation de la Caisse de dépôt et placement et la fondation d'un véritable ministère de l'Éducation.

À l'époque, le PLQ était une véritable coalition de nationalistes, de progressistes, d'anglophones et de résistants au conservatisme de l'Union nationale.

Les saignées

Une première saignée survient au PLQ lorsque plusieurs progressistes et nationalistes regroupés autour de René Lévesque claquent la porte, en 1967. Le parti glisse alors vers le centre de l'échiquier politique et devient beaucoup moins autonomiste sous la direction de Robert Bourassa. Ce dernier introduit au Québec la façon moderne de faire de la politique et surtout de garder le pouvoir. Le formatage de l'image politique du premier ministre et l'utilisation fréquente des sondages pour déterminer la politique du gouvernement sont des exemples qui ont été rapportés dans plusieurs ouvrages.

Par ailleurs, lors de son deuxième passage à la tête du gouvernement, Robert Bourassa aura au moins le mérite de tenter un effort de réconciliation Québec-Canada par les accords du Lac-Meech et de Charlottetown, qui tentaient de réparer la mise au rancart du Québec causée par le rapatriement unilatéral de la Constitution (c'est-à-dire contre la volonté du Québec) en 1982. [...]

Au-delà de ces considérations et du contexte politique de l'époque, qui pourrait expliquer l'échec de ces tentatives de réforme constitutionnelle, ils ont eu impact considérable sur le PLQ. C'est ce que j'appelle la deuxième saignée des force vives de ce parti: le départ des nationalistes représentés par l'aile jeunesse dirigée par Mario Dumont et par Jean Allaire à la suite de l'abandon du rapport du même nom qui proposait au PLQ d'adopter une approche référendaire en réaction aux échecs constitutionnels.

Faiblesse idéologique

Depuis cette époque, le PLQ ne cesse de révéler sa faiblesse idéologique et sa faible inclination pour le changement et l'action. Vidé deux fois de ses énergies réformatrices au cours des 40 dernières années, il est maintenant dans la même position que l'Union nationale en 1960. Il est le réceptacle des gros intérêts financiers, propose le clientélisme comme manière générale d'interaction avec plusieurs minorités québécoises et est incapable de récolter des appuis élevés chez la majorité francophone.

Le gouvernement sortant a encore une fois dirigé avec les sondages et les focus groups, comme si la politique était un produit de consommation ordinaire et comme si la gestion de l'État se faisait sans pédagogie dans la stratégie de communication. En fait, il a gouverné sans vision d'avenir, les yeux dirigés uniquement sur la manière de conserver le pouvoir, sur la prochaine échéance électorale et la façon de plaire aux différentes clientèles du parti.

À la différence de l'UN, le PLQ demeure un parti bien organisé, professionnel et bien financé. Par contre, il est peut-être temps de se demander si un retour prolongé dans l'opposition, comme ce fut le cas de 1944 à 1960, ne pourrait pas être bénéfique à la revitalisation du parti et au Québec en général.

À voir en vidéo