Lettres: Jean Chrétien et Kyoto: à qui donner la leçon?
L'ancien premier ministre Jean Chrétien n'est pas passé inaperçu au congrès du Parti libéral du Canada. Il s'est livré à un exercice politique de toute première importance pour la famille libérale: refonder l'unité ébranlée après de nombreuses années de lutte fratricide entre les clans Chrétien et Martin.
Qui dit refaire l'unité dit aussi passer en mode «attaque» contre le principal adversaire du Parti libéral: le premier ministre conservateur Stephen Harper. Sur un ton sarcastique, M. Chrétien lui a donné une longue leçon politique de relations internationales, notamment au sujet du protocole de Kyoto. Or, justement en matière d'environnement, le bilan des années Chrétien (1993-2003) s'avère tout simplement désastreux.De 1990 à 2003, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 24 % au lieu de diminuer de 6 %, conformément à l'objectif de réduction fixé par le traité de Kyoto. Depuis le protocole de 1997, le taux d'émissions ne fait que grimper. Seulement pour l'année 2003, le Canada a atteint le triste record de 740 mégatonnes. Dans l'ensemble, notre pays a obtenu de moins bons résultats que les États-Unis, non signataires du protocole, faut-il le rappeler. Le groupe écologiste allemand Germanwatch a même placé le Canada au 51e rang de sa liste de... 56 membres! Cette piètre performance nous fait entrer dans le club «sélect» des pays les plus pollueurs.
Alors, à la question posée par M. Chrétien: «Comment se fait-il que le Canada n'ait pas respecté sa parole sur Kyoto?», la réponse allait pourtant de soi: il n'avait qu'à regarder dans sa propre cour politique. Mais le discours de la vertu martelé depuis des années a fini par nous faire croire que le gouvernement libéral maîtrisait bien le dossier, qu'il avait un plan crédible et efficace à nous offrir. Ce discours a masqué le manque évident de volonté.
Devant ce gâchis du long règne libéral, le premier ministre actuel ne pouvait qu'arriver à ce constat amer mais réaliste: «Le gouvernement canadien est incapable d'atteindre ses objectifs.» En effet, est-il possible de réduire de plus de 30 % les émissions de gaz à effet de serre d'ici cinq ans? La réponse est malheureusement non. Et il fallait du courage politique pour le dire publiquement et ainsi briser les effets magiques d'un discours mystificateur qui berne à la fois la population canadienne et la communauté internationale.