Lettres: «Le débat des profs»

Pour faire suite à l'excellent article de Danielle Laurin, intitulé «Le débat des profs», voici ma réaction.

Lire est un acte de liberté totale. Pourquoi offrir aux étudiants des lectures modernes, au diapason de la société actuelle? Parce que le goût de la liberté doit se communiquer. La littérature n'est pas morte avec les classiques, elle est née avec eux. Elle vit! Obliger les jeunes à ne lire que des oeuvres écrites par des maîtres ayant vécu sous d'autres cieux, à d'autres époques, dans des circonstances sociales et politiques différentes, c'est risquer qu'ils ne se sentent pas interpellés. Pire, c'est un fait avéré. Pourquoi les enseignants rentrent-ils comme à l'abattoir?

Comment voulez-vous qu'ils aient le feu sacré lorsque leur but premier, qui consiste à transmettre l'amour des livres, leur semble voué à l'échec lorsqu'ils voient leurs élèves forcer un oeil torve sur le bouquin qu'on les a obligés à se procurer? De l'autre côté, comment un élève pourrait-il se convaincre d'apprécier un écrit dont il sent que l'enseignant ne l'aime pas vraiment lui-même? Car un enseignant qui exulte et salive presque en parlant d'une oeuvre à son auditoire adolescent risque de provoquer l'engouement, sinon une certaine curiosité, même chez les élèves les plus apathiques.

De plus, si [le but de l'enseignement est de transmettre un savoir objectif, une compétence, etc.], refuser que cet enseignement passe aussi par des oeuvres actuelles, c'est prétendre que rien de ce qui s'écrit aujourd'hui ne vaut la peine d'être lu, comme si, de nos jours, il n'y avait aucune objectivité, aucune compétence. C'est considérer que la littérature est morte, «passée date», si vous me permettez l'expression. Il se produit pourtant, à notre époque, de grandes oeuvres, des livres par lesquels nous pouvons nous sentir interpellés et qui traitent de notre réalité actuelle (avec toute la liberté que permet l'acte d'écrire sur cette même réalité). Désolé pour les ego blessés, mais j'ai tendance à penser que le fait de ne jurer que par un canon littéraire bien précis relève d'un certain snobisme intellectuel. Et affirmer qu'on n'a pas aimé tel ou tel classique relève d'une peur maladive pour sa réputation de «littéraire». Moi, par exemple, je n'ai pas honte d'affirmer que Madame Bovary ou La Comtesse de Clèves ont failli me plonger dans un état catatonique tellement je les ai trouvés ennuyants.

Il faut être de son temps. Ça ne veut pas dire de rejeter la littérature plus ancienne mais d'intégrer parmi les oeuvres proposées une littérature de qualité, plus au goût du jour.

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